La salle d'attente du centre de santé de Bilel ne désemplit pas. MSF l’a agrandi et fourni du matériel de bureau et des fournitures médicales essentielles.
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Soudan : Survivre dans des espaces abandonnés après les bombardements à Zalingei

Les équipes de Médecins Sans Frontières (MSF) prodiguent des soins à l’hôpital universitaire de Zalingei, au Soudan, et soutiennent le ministère de la Santé pour la remise en état des structures, la formation et les mesures d’incitation de son personnel. En avril, les équipes de MSF ont rouvert le service des urgences, la maternité, le centre de nutrition thérapeutique et les services pédiatriques.

Lorsque les combats entre les Forces de soutien rapide (Rapid Support Forces – RSF en anglais) et les Forces armées soudanaises (Sudanese Armed Forces- SAF en anglais) ont éclaté en avril 2023 au Soudan, les personnes déplacées au camp d’Al-Hasahisa, à Zalingei, capitale de l’État du Darfour Central, se sont retrouvées prises entre deux feux. Selon les Nations Unies, le siège qu’ont tenu les RSF dans le camp en novembre et pendant plusieurs mois a empêché les personnes blessées de se faire soigner à l’extérieur du camp, et entravé l’approvisionnement en eau et en nourriture. (en anglais seulement)

Le camp de Hasahisa, qui abritait environ 50 000 personnes, la plupart ayant déjà été déplacées au début des années 2000, s’est finalement vidé au fur et à mesure que les gens réussissaient à fuir les bombardements incessants. Ils laissent derrière eux des habitations en briques endommagées et des rues désertes. N’ayant nulle part où aller, ils se sont abrités pendant des mois dans des écoles, des banques, des casernes de pompiers et d’autres camps pillés et abandonnés à travers la ville.

Des vagues de déplacements et des gens tentant de survivre sans la moindre assistance

Dans la nuit du 2 novembre, Aissa et sa famille ont fui le camp de Hasahisa à bord de charrettes tirées par des ânes. Hormis un matelas, perdu plus tard sur la route, la plupart des biens qu’Aissa possédait ont été volés. Elle suit sa mère et ses enfants qui sont en tête de file.

« Nous avons été pourchassés et forcés de partir », raconte Aissa, âgée de 50 ans. « Des hommes de notre entourage ont été tués. D’autres ont été arrêtés. On nous a pris ou volé nos affaires. Au moment de partir, nous avons été arrêtés [par des hommes armés] et avons dû attendre jusqu’au lendemain matin. Ils ont attaché [des gens] et battu de jeunes garçons. »

Depuis plus de six mois, Aissa et sa famille s’abritent dans un conteneur maritime rudimentaire à la caserne de pompiers de Zalingei, qui a été saccagée. Comme 6,5 millions d’autres personnes déplacées au Soudan, ils dépendent principalement de l’aide humanitaire dont les gens sont toujours privés dans de nombreux endroits. Survivant grâce à des emplois précaires, Aissa et sa famille peinent à obtenir de l’eau, de la nourriture ou des services essentiels, dont des services de santé.

« Il n’y a aucun moyen de gagner de l’argent », explique Aissa. « Alors nous sortons de chez nous et errons dans la ville. Lorsque quelqu’un accepte qu’on lui lave son linge, on le fait et on essaie de gagner un peu d’argent. »

En face de la caserne des pompiers, Najwa, 30 ans, et ses trois enfants ont trouvé refuge, avec 30 autres personnes déplacées du camp de Hasahisa, dans une banque de la ville qui a été pillée. Elle y a créé l’illusion d’un foyer : les coffres-forts servent de placards, les fenêtres murées, laissant autrefois passer la lumière du soleil, et les rebords de fenêtre servent d’étagères pour quelques sacs en lambeaux et des plantes flétries.

« Nous vivons dans ces conditions, sans toit et sans nourriture », explique Najwa, en montrant les draps déchirés suspendus au-dessus du hall d’entrée. « Mais nous n’avons reçu aucune aide, même pas du savon. La saison des pluies va bientôt commencer et nous ne savons pas où aller. »

Pas de services de santé ni de médicaments

En plein centre de la ville, l’Université de Zalingei, autrefois un pôle dédié à la médecine, à l’agriculture et aux technologies, est aujourd’hui déserte. L’auditorium sert d’entrepôt pour des balles de foin destinées aux ânes, tandis que des cordes à linge relient un bâtiment à un autre dans le campus.

Transformée en logement de fortune, l’université accueille dans ses salles de classe et ses bureaux plus d’un millier de personnes, pour la plupart déplacées du camp de Hasahisa. Travaillant principalement dans l’agriculture, ces gens ne sont désormais plus en mesure de cultiver leurs champs régulièrement ni de gagner un revenu. En l’absence d’assistance humanitaire, ils doivent compter les uns sur les autres.

« Chaque personne contribue et peut partager [des médicaments] », explique Mohammed, l’un des premiers à s’être réfugié dans l’université. « Nous partageons avec les autres et soignons les personnes dans le besoin. »

À seulement 10 minutes de là, Khadijaattend que sa fille Malaka sorte de l’hôpital universitaire de Zalingei. Ce jour-là, les équipes de MSF viennent de rouvrir la salle d’urgence remise en état, et Malaka fait partie des premières personnes examinées. Déplacée et forcée de vendre ses dernières possessions pour subvenir à leurs besoins, Khadija n’a pas pu acheter de médicaments pour sa fille.

« Il nous a fallu une heure pour nous rendre à l’hôpital universitaire de Zalingei pour que ma fille, testée positive au paludisme, puisse recevoir des soins », explique Khadija. « Dans le camp de Hasahisa [où elles s’étaient installées avant], nous recevions des médicaments gratuitement. Ici, à Zalingei, ce n’est pas pareil. Mais aujourd’hui [pour la première fois], on nous a fourni des médicaments gratuitement.

Soutenir un système de santé en ruines

Dans ce climat de violence, des attaques contre le personnel ainsi que des pillages ont été perpétrés dans les structures de santé. Une grande partie du système de santé est hors service ou peine à fonctionner. L’Hôpital universitaire de Zalingei, seul établissement de soins de santé secondaires qui subsiste dans l’État du Darfour central, a également été pillé à plusieurs reprises pendant le conflit.

Suivant un nouveau pillage en mai 2023, le personnel du ministère de la Santé fait de son mieux pour maintenir l’hôpital en activité en recrutant des volontaires à travers la ville. Assma, une infirmière de 21 ans, en fait partie. Quelques semaines après un pillage survenu en mai, l’hôpital a été à nouveau attaqué, entraînant cette fois le décès d’une personne.

« J’amenais une patiente dans la salle d’opération quand un membre de l’équipe médicale a reçu une balle dans le cou », se souvient-elle. « Il était en train de réaliser une césarienne. La patiente est décédée dans le couloir. »

Pour favoriser à nouveau l’accès aux soins spécialisés dans cet État, les équipes de MSF fournissent des services de santé secondaire à l’Hôpital universitaire de Zalingei. Elles soutiennent aussi le ministère de la Santé en formant son personnel et en leur offrant des incitations. Elles remettent également en activité le service des urgences, la  maternité et le service de pédiatrie. En avril, MSF a réalisé plus de 900 consultations d’urgence, près de 400 examens pédiatriques, et une centaine d’accouchements. Dans le centre de nutrition thérapeutique pour patients hospitalisés, ses équipes ont soigné au moins une cinquantaine d’enfants souffrant de malnutrition.

« La guerre a complètement perturbé l’accès aux services de santé au Soudan », explique Victor García Leonor, coordonnateur d’urgence de MSF. « Le prix des médicaments et des denrées alimentaires a grimpé en flèche, devenant inabordable pour la population, en particulier pour les personnes déplacées. Quant aux établissements de santé, la plupart ne fonctionnent plus correctement. Dans le même temps, le pays est confronté à un vide humanitaire qui ne fait qu’aggraver l’énorme demande en services de santé. »

Bien que le Soudan connaisse actuellement l’une des plus grandes crises de déplacement au monde, de nombreuses organisations humanitaires n’ont pas repris leurs activités après avoir évacué au début des affrontements l’an dernier. Aujourd’hui, plus d’un an après le début du conflit, le Soudan reste confronté à d’importances carences en matière d’aide humanitaire.

MSF réitère donc son appel auprès des parties belligérantes pour qu’elles respectent les mesures de protection particulières dont bénéficient le personnel et les structures de santé en vertu du droit international humanitaire. Elles doivent aussi garantir que les organisations humanitaires disposent d’un accès sûr à toutes les régions du Soudan, sans exception, et cesser de bloquer l’acheminement de matériel et de personnel. En outre, pour que l’aide humanitaire parvienne aux personnes ciblées, les Nations Unies doivent intensifier d’urgence leurs activités et s’engager à des résultats clairs en termes d’accès. Elles doivent jouer un rôle actif dans l’intensification rapide et significative de l’aide humanitaire.

MSF soutient actuellement plus de 30 centres de santé dans 10 États du Soudan : Khartoum, Al-Jazirah, Nil Blanc et Nil Bleu, Al Qadarif, Darfour Occidental, Darfour du Nord, Darfour du Sud et Darfour Central, et Mer Rouge. Nos équipes sont également intervenues récemment à Kassala. Elles mènent des activités à la fois dans les zones contrôlées par les Forces armées soudanaises et celles contrôlées par les Forces de soutien rapide. MSF fournit des services de traumatologie, de santé maternelle et pédiatrique, traite la malnutrition, et offre d’autres services de santé. Au Soudan du Sud et dans l’est du Tchad, nos équipes soutiennent également les personnes réfugiées du Soudanais et les personnes rapatriées.