MSF gère une clinique dans le camp de Zamzam, à environ 15 km au sud-est d’El Fasher, la capitale de l’État qui accueille plus de 300 000 personnes déplacées. Les équipes de MSF offrent des services d’alimentation thérapeutique ambulatoire. Soudan, 2024. © Mohamed Zakaria
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Soudan : alors que les combats s’intensifient autour d’El Fasher, une crise de malnutrition majeure persiste dans le camp de Zamzam

Médecins Sans Frontières (MSF) intensifie ses activités et appelle à une augmentation urgente de la réponse humanitaire dans le Nord-Darfour

En réponse à l’escalade des combats dans le Darfour Nord, MSF a soigné au cours des deux dernières semaines plus de 100 personnes blessées de guerre à l’hôpital Darfour Sud. Parmi elles, 11 enfants, souvent blessés par balle. Parallèlement, MSF intensifie sa réponse à la crise de malnutrition majeure dans le camp de Zamzam, où la situation devient toujours plus critique. MSF appelle les belligérants à assurer la protection des personnes civiles, des structures de soins de santé et du personnel, afin que l’aide essentielle puisse être apportée efficacement aux dizaines de milliers de personnes dont la vie est menacée, et ce, avant qu’il ne soit trop tard.

À la suite des résultats alarmants obtenus lors d’une évaluation rapide de la nutrition et de la mortalité menée par MSF, au début de janvier, un dépistage de masse de plus de 63 000 enfants de moins de cinq ans, de femmes enceintes et allaitantes, a été réalisé en mars et avril. Ce dépistage a confirmé l’existence d’une crise de malnutrition catastrophique et potentiellement mortelle dans le camp de Zamzam, dans le Darfour Nord. Lorsque les résultats de l’évaluation rapide ont été publiés, en février, MSF a lancé un appel urgent au soutien. Toutefois, près de trois mois plus tard, MSF reste pratiquement la seule organisation d’assistance internationale à répondre à cette énorme crise. Par conséquent, elle demeure l’une des très rares organisations à pouvoir répondre aux événements qui entraînent un grand nombre de victimes à El Fasher.

Sur plus de 46 000 enfants examinés, 30 % souffraient de malnutrition aiguë, dont 8 % de malnutrition aiguë sévère (MAS). Des chiffres similaires ont été relevés chez plus de 16 000 femmes enceintes et allaitantes : 33 % d’entre elles souffraient de dénutrition aiguë, dont 10 % de MAS. Pour ces deux groupes de population, ces chiffres sont deux fois plus élevés que le seuil d’urgence de 15 %, ce qui témoigne massivement de l’urgence d’une situation potentiellement mortelle dans le camp de Zamzam.

« Dans le camp de Zamzam, il y a un désastre aigu à une échelle catastrophique », déclare Claire Nicolet, responsable de la réponse d’urgence de MSF au Soudan. « La situation est critique, le niveau de souffrance est immense, et bien que nous soyons au courant depuis près de trois mois, rien n’a été fait pour prêter assistance à ceux et celles qui luttent pour leur survie. Nous sommes extrêmement inquiets et nous craignons que l’escalade des combats rende encore plus difficile l’arrivée du soutien international tant attendu, et que nous appelons de nos vœux. Avec l’approche de la période de soudure, nous craignons également d’assister, dans les semaines à venir, à une détérioration rapide de cette crise de malnutrition déjà dramatique. La vie de centaines de milliers de personnes était déjà en danger et maintenant, avec les combats actuels, encore plus de personnes le sont. Il est urgent d’intensifier la réponse humanitaire afin d’éviter que la crise de malnutrition ne s’aggrave. Pour ce faire, il est essentiel que les belligérants prennent des mesures pour permettre un accès humanitaire sûr et la protection des personnes civiles. »

MSF a déjà intensifié sa réponse en ouvrant un deuxième dispensaire, en inscrivant plus de 11 000 enfants à son programme de nutrition et en ouvrant un hôpital de campagne de 25 lits pour traiter les cas les plus critiques. Actuellement, 23 personnes sont hospitalisées. Parmi elles, douze souffrent de malnutrition aiguë sévère et quatre sont traitées pour une suspicion de rougeole. MSF prévoit lancer une campagne de vaccination contre la rougeole et étendre ses activités de soutien aux femmes enceintes. Cependant, cela ne suffit pas pour répondre aux besoins. Les soins de santé supplémentaires ne sont pas assurés dans le camp et il est essentiel qu’ils soient rétablis de toute urgence.

« Il ne fait aucun doute que les défis sont énormes lorsqu’il s’agit de fournir une assistance humanitaire au Soudan, mais il est possible de le faire », déclare Claire Nicolet. « Les restrictions d’accès humanitaire – y compris les obstructions délibérées à l’acheminement de l’assistance par les parties belligérantes – ont considérablement entravé la capacité des organisations non gouvernementales (ONG) à intensifier la réponse. Il en va de même pour l’insécurité. Mais la situation est trop critique pour que ces problèmes continuent à servir de prétextes. Les Nations Unies et l’ensemble de la communauté humanitaire doivent faire davantage pour négocier l’accès des agences des Nations Unies et des ONG internationales afin qu’elles puissent prêter assistance au Zamzam. »

Les conditions de vie des gens qui se trouvent à Zamzam sont déplorables. Il n’y a pas eu de distribution alimentaire officielle dans le camp depuis mai 2023. Bien qu’une poignée de camions de l’ONU ait atteint El Fasher il y a deux semaines, rien n’est arrivé à Zamzam avant le 29 avril. Les dirigeants communautaires ont alors reçu de la nourriture qu’ils étaient ensuite censés distribuer parmi la population. Cependant, même avant le début de la guerre, les gens du camp ne recevaient que très peu de soutien. Les rations alimentaires étaient bien inférieures aux normes internationales, et l’eau potable était insuffisante. De plus, avant que MSF n’ouvre son dispensaire, en 2022, il n’y en avait que deux autres dans le vaste camp, tous deux étant aujourd’hui à peine fonctionnels.

« La situation est désastreuse pour toutes les personnes qui se trouvent dans le camp et elle s’est considérablement détériorée au cours de l’année écoulée. Pour les milliers de personnes nouvellement déplacées de Nyala, Tawila et d’autres lieux où des combats intenses ont eu lieu, la situation est particulièrement mauvaise. Nombre d’entre elles sont arrivées à Zamzam sans rien, et vivent dans des écoles surpeuplées, sans accès à la nourriture ou à l’eau. Tous les individus du camp de Zamzam ont besoin de soutien, mais les personnes nouvellement arrivées sont particulièrement vulnérabilisées. Avec l’escalade de la violence dans le Darfour Nord, une fois de plus, de nouvelles personnes sont déplacées. Cela signifie qu’il pourrait bientôt y avoir encore plus de concurrence pour les ressources déjà très limitées du camp. »

Des distributions alimentaires fiables, qui fournissent aux personnes des rations suffisantes, sont la seule chose qui empêchera la situation de devenir encore plus catastrophique. Avec l’approche de la saison des pluies et l’absence de goudron sur les routes, il sera difficile pour les camions d’assistance d’atteindre Zamzam. Cela rend l’acheminement rapide de l’assistance encore plus impératif. Bien qu’elles soient conscientes de la gravité de la situation, et malgré les alertes à la famine lancées par les agences des Nations Unies elles-mêmes, ces dernières ne font pas assez pour empêcher la crise de la malnutrition au Zamzam de s’aggraver.