Camp de Fadasi Wad Madani, État d’Al Jazirah. Soudan, 2024. © Fais Abubakr
PARTAGEZ

Soudan : MSF est contrainte de suspendre ses activités dans le seul hôpital fonctionnel de Wad Madani

Médecins Sans Frontières (MSF) a été contrainte de suspendre ses activités et de retirer son personnel de l’hôpital universitaire de Madani, au Soudan. Il s’agissait là du seul hôpital fonctionnel pour les centaines de milliers de personnes ayant un besoin urgent d’assistance médicale dans la capitale de l’État d’Al Jazirah. Cette décision extrêmement difficile intervient après plus de trois mois de difficultés incessantes pour fournir des soins à l’hôpital, notamment l’insécurité croissante. Notre capacité à fournir des soins médicaux a entre autres été affectée par l’impossibilité de faire venir du nouveau personnel et des fournitures médicales dans la région, en raison du refus de délivrer des permis de voyage. Des incidents de sécurité répétés, tels que des pillages et des harcèlements, ont également compromis nos activités.

MSF appelle les parties belligérantes à cesser de violer les établissements et les installations de santé, et à garantir la sécurité du personnel médical. Elle demande également que les autorisations de voyage nécessaires soient accordées à notre personnel et à nos approvisionnements.

« Le système de santé et les services de base dans l’État d’Al Jazirah se sont effondrés en raison des combats et du blocus systématique des approvisionnements et du personnel pouvant entrer dans la région », explique Mari Carmen Viñoles, responsable des opérations pour MSF au Soudan. « MSF était la seule ONG internationale à apporter un peu de soutien à Wad Madani. Notre départ laisse un vide profond pour les personnes qui luttent pour accéder aux soins de santé, et qui vivent dans un environnement très peu sûr, sans moyens de transport pour se déplacer. »

À la mi-décembre, les combats ont atteint Wad Madani, la capitale de l’État d’Al Jazirah située à environ 136 kilomètres au sud-est de Khartoum. Selon l’Organisation internationale pour les migrations[1], au moins 630 000 personnes, dont plusieurs avaient déjà été déplacées, ont alors été contraintes de fuir Al Jazirah vers d’autres régions du Soudan. À la fin du mois, MSF a évacué tout son personnel de Wad Madani à la suite de l’offensive du groupe paramilitaire des Forces de soutien rapide dans la ville, qui était jusqu’alors contrôlée par les Forces armées soudanaises dirigées par le gouvernement.

Le 13 janvier, MSF a pu renvoyer une équipe à Wad Madani, où plusieurs centaines de milliers de personnes sont restées dans ce qui était l’une des villes les plus peuplées du Soudan.

Depuis, MSF soutient les urgences, la salle d’opération, la maternité, le service des patients hospitalisés – qui comprend la pédiatrie, le centre d’alimentation thérapeutique, les services d’adultes et de chirurgie – et la pharmacie de l’hôpital universitaire de Madani. Nous avons également apporté un soutien en santé mentale et aux personnes ayant survécu à des violences sexuelles. MSF a en outre fourni des formations et des incitations salariales à 240 membres du ministère de la Santé, et de la nourriture pour les patients et les patientes.

Entre la mi-janvier et la fin avril, MSF a assuré près de 10 000 consultations ambulatoires, notamment pour le paludisme qui est la maladie la plus fréquemment traitée. Elle a également offert 2 142 consultations prénatales et assuré les soins auprès de 16 survivantes de violences sexuelles. Au cours de cette période, le service des urgences a connu un afflux constant, totalisant 2 981 admissions. Un nombre important de ces admissions concernait des blessures physiques subies lors des violences en cours.

MSF a suspendu tout soutien à l’établissement, et nous avons transféré notre personnel dans des régions plus sûres du Soudan. Au cours des trois derniers mois, notre équipe et le personnel du ministère de la Santé soutenu par MSF ont été confrontés à des incidents de sécurité répétés, perpétrés ou tolérés par les Forces de soutien rapide. Parmi de nombreux incidents et actes de pressions, soulignons le pillage de l’hôpital, le vol de véhicules et la rétention du personnel. Depuis janvier, les autorités soudanaises refusent obstinément d’accorder des permis de voyage pour permettre l’entrée, dans la ville, de nouveaux membres du personnel et des fournitures médicales et logistiques.

« Alors que les besoins humanitaires et médicaux à Wad Madani et Al Jazirah sont immenses, nous n’avons pas d’autre choix que d’arrêter immédiatement notre travail et de quitter la zone », déclare Mari Carmen Viñoles.

« Les blocages administratifs délibérés, l’insécurité croissante et les violations constantes de l’hôpital en tant qu’espace neutre ont rendu impossible la poursuite des activités. »

Mari Carmen Viñoles, responsable des opérations pour MSF au Soudan

MSF est prête à revenir en soutien à l’hôpital universitaire de Madani pour prêter assistance aux gens d’Al Jazirah si les parties belligérantes s’engagent à respecter notre travail médical et à garantir un accès sûr et ininterrompu à la zone. MSF appelle les Forces de soutien rapides à cesser de violer les établissements, les installations médicales et à garantir la sécurité du personnel du ministère de la Santé et de MSF. MSF demande également aux autorités militaires et civiles dirigées par le gouvernement du Soudan d’accorder les permis de voyage nécessaires à notre personnel et à nos approvisionnements.

MSF appuie et soutient actuellement plus de 30 établissements de santé dans neuf États du Soudan : Khartoum, Nil Blanc et Bleu, Al Gedaref, Darfour-Occidental, Nord, Sud et Centre, et Mer Rouge. Nous menons des programmes dans les zones contrôlées par les Forces armées soudanaises et les Forces de soutien rapide. Nos équipes fournissent différents soins de santé, dont des soins en traumatologie, des soins maternels et pédiatriques et traitent la malnutrition. Les équipes de MSF soutiennent également les personnes réfugiées et sympathisantes soudanaises au Soudan du Sud et dans l’est du Tchad.


[1] https://dtm.iom.int/reports/one-year-conflict-sudan-visualizing-worlds-largest-displacement-crisis