Les médicaments anti-tuberculeux bédaquiline et délamanide sont utilisées en combinaison pour traiter la tuberculose résistante (TB-R) dans la clinique indépendante de MSF à Mumbai. Inde, 2023. © Catheryne Gagnon/MSF
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Histoires de lutte contre la tuberculose résistante (TB-R)  

Les récits à succès de patients et patientes dans la clinique indépendante de tuberculose résistante (TB-R) de Médecins Sans Frontières (MSF) contrastent avec les écarts d’accès aux nouveaux médicaments qui persistent autour du monde.

Catheryne Gagnon
Attachée de presse MSF

L’Inde est l’un des pays où le fardeau de la tuberculose est le plus lourd et un nombre important de cas sont concentrés à Mumbai. C’est ici que MSF gère une clinique privée indépendante pour traiter la tuberculose résistante aux médicaments (TB-R), une forme de la maladie pour laquelle les options de traitement sont limitées. L’équipe utilise en combinaison des médicaments antituberculeux récents et offre des traitements entièrement oraux, moins toxiques et plus efficaces. 

L’histoire de Kavya, une enfant atteinte de TB-R 

C’est vendredi matin à Mumbai, et la salle d’attente extérieure de la clinique indépendante de TB-R de MSF baigne dans une lumière diffuse filtrée par le toit en toile rayé qui protège du soleil. Aujourd’hui, c’est la journée pédiatrique et l’équipe de MSF est occupée à accueillir les patients et patientes, dont beaucoup ont moins de 10 ans, ainsi que les proches qui les accompagnent. Kavya*, cinq ans, est l’une des enfants qui ont rendez-vous aujourd’hui. Elle est accompagnée de sa mère, Samira, et de son petit frère. 

Les enfants de moins de 10 ans sont particulièrement vulnérables à la tuberculose. Cela s’explique entre autres par leur immunité plus faible, notamment chez ceux et celles qui souffrent de malnutrition, et les nombreux écarts qui subsistent quant à l’accès au diagnostic, au dépistage ainsi qu’au traitement. La tuberculose est particulièrement difficile à détecter chez les jeunes enfants qui sont parfois incapables de produire des expectorations, et parce que la maladie existe souvent hors des poumons, ce qu’on appelle la tuberculose extrapulmonaire.  

C’était le cas pour Kavya, qui a été diagnostiquée multirésistante à la tuberculose en décembre 2022, après avoir développé un ganglion sur sa jambe gauche. Elle a commencé un traitement médical dans le cadre du programme de lutte contre la tuberculose du système de santé public. Elle a ensuite été référée à la clinique indépendante de MSF, où l’équipe lui a administré un nouveau traitement entièrement oral.  

Selon sa mère, Samira : « Elle était très faible et ne mangeait plus, et elle pleurait souvent. J’étais très inquiète de son état de santé, mais le suivi que j’ai reçu à la clinique de MSF m’a réconfortée. » 

Aujourd’hui, Kavya déborde d’énergie.

Elle connaît les moindres recoins de la clinique! Elle ouvre les armoires et rassemble des livres de coloriage et des crayons pendant que sa mère discute avec l’infirmière de MSF qui lui donne des instructions pour le traitement à domicile. La clinique a été pensée en fonction des enfants, avec des murs peints en jaune vif et décorés d’animaux ou de superhéros, des chaises mauves en plastique et des armoires qui débordent de jouets. 

Kavya, 5 ans, avec sa mère et son petit frère dans la salle d’attente de la clinique de MSF à Mumbai. Inde, 2023. © Catheryne Gagnon/MSF

À Mumbai, MSF propose des options thérapeutiques adaptées 

Dre Aparna Iyer, conseillère médicale pour le projet TB-R à Mumbai, explique : « Nous nous concentrons sur la cohorte pédiatrique parce que ce sont des personnes particulièrement vulnérables à la tuberculose, et nous constatons qu’il y a d’énormes lacunes dans le diagnostic et le traitement des enfants. Pour combler ces lacunes, nous jugeons utile d’investir dans la recherche de cas chez les jeunes enfants, c’est-à-dire de moins de 10 ans. Nous leur fournissons des consultations adaptées à ce groupe d’âge et garantissons des traitements entièrement oraux et moins toxiques, au lieu des injections douloureuses. » 

La clinique de MSF propose des options thérapeutiques aux personnes référées par le système de santé publique après l’échec des traitements antituberculeux standard. Ici, elles reçoivent un traitement innovant combinant deux médicaments, le délamanid et la bédaquiline. Le projet TB-R de MSF a joué un rôle déterminant dans les recommandations touchant l’utilisation combinée de ces deux médicaments, formulées dans les nouvelles directives thérapeutiques de l’OMS publiées en 2020. 

« Le monde s’oriente vers des traitements plus courts pour la TB-R, passant de traitements de 18 à 20 mois à des traitements réduits de 12 mois et même de 6 à 9 mois », explique Dr Vijay Chavan, responsable médico-technique de MSF. « Ces traitements sont porteurs d’un nouvel espoir pour les patients et les patientes : la période de traitement est plus courte, les médicaments sont plus agréables au goût, ils n’ont pas beaucoup d’effets secondaires et ils sont tous administrés par voie orale, il n’y a donc pas d’injections. » 

Ces nouveaux développements dans le traitement de la tuberculose nous rappellent que la maladie, qui tue encore des millions de personnes chaque année (1,6 million en 2021), peut être guérie lorsqu’un traitement est disponible et accessible. 

L’histoire de Naima, pour qui la vie reprend son cours 

Naima, 24 ans, en est un bel exemple. En ce même vendredi de la mi-août, elle se rend à la clinique pour son dernier rendez-vous, arrivant à la fin de son traitement. Naima, qui vit dans une banlieue à l’ouest de Mumbai, a reçu son diagnostic de tuberculose pulmonaire en 2020. 

« J’ai commencé à perdre beaucoup de poids et j’étais très faible », raconte-t-elle. « J’ai été obligée de quitter mon travail à cause des symptômes. » 

Après des mois de traitements dans le système de santé public, son état s’est détérioré et elle a été référée à la clinique de MSF. Aujourd’hui, après 18 mois, elle a terminé avec succès ses traitements contre la tuberculose et elle quitte la clinique avec, en main, un certificat de fin de traitement. Maintenant qu’elle se sent mieux, elle envisage de reprendre son travail dans le domaine du marketing et des ventes. 

Naima lors de sa dernière visite médicale à la fin de son traitement contre la tuberculose. Inde, 2023. © Catheryne Gagnon/MSF

MSF plaide pour que les nouveaux médicaments soient accessibles 

La dernière décennie a été marquée par certains progrès, comme l’introduction de trois nouveaux médicaments, la bédaquiline, le délamanid et le prétomanid – les premiers en un demi-siècle. Les lacunes en matière d’accès demeurent par contre importantes. La tuberculose était au premier rang des maladies infectieuses les plus meurtrières au monde jusqu’à ce qu’elle soit dépassée par la COVID-19 en 2020. En dépit de ce fait, les médicaments et régimes existants sont aujourd’hui encore inabordables et inaccessibles dans de nombreuses régions du monde.  

Pour enrayer la maladie, il est primordial d’améliorer l’accès aux médicaments essentiels. Cela passe notamment par la levée des brevets pour permettre le développement de versions génériques abordables, et par la mise au point de formulations pédiatriques.  

Johnson & Johnson, l’entreprise pharmaceutique qui fabrique la bédaquiline, a récemment annoncé qu’elle n’appliquerait pas les brevets secondaires sur le médicament dans 134 pays à revenu faible ou intermédiaire, après que deux survivantes de la tuberculose aient contesté le brevet avec succès devant un tribunal, et sous une forte pression exercée par des activistes et des organisations de la société civile. Grâce à la concurrence des médicaments génériques, le médicament est désormais disponible pour 130 $ US pour un traitement de 6 mois. Le prix devrait encore baisser d’ici l’année prochaine. La pression de l’opinion publique a aussi amené les compagnies Cepheid et Danaher à réduire de 20 % le prix des tests de dépistage de la tuberculose. Ces succès démontrent le pouvoir du plaidoyer public pour ouvrir la voie à un meilleur accès aux médicaments essentiels.  

Il reste toutefois un long chemin à parcourir. Le délamanid est un médicament essentiel utilisé dans nos cliniques pour traiter la #tuberculose (TB). Toutefois, ce médicament qui peut sauver des vies est encore vendu au coût exorbitant de 1 200 USD pour un traitement de six mois, alors que le prix pour un tel traitement pourrait se situer entre 30 et 96 USD. MSF continuera donc à plaider en faveur d’une réduction du prix des médicaments et des traitements contre la tuberculose.⁣

Un autre obstacle à l’accès est le fait que tous les médicaments ne sont pas commercialisés partout où ils sont nécessaires. « Aucun des nouveaux médicaments utilisés dans le cadre du projet de MSF à Mumbai n’est vendu au Canada, car les compagnies pharmaceutiques qui les fabriquent ont choisi de ne pas les mettre au marché ici », explique Adam Houston, responsable de la politique médicale et du plaidoyer pour MSF. Le manque d’accès aux formulations pédiatriques des médicaments antituberculeux est un autre obstacle à l’accès équitable au traitement, qui affecte de manière disproportionnée les communautés autochtones au nord du pays.

Le Canada a par conséquent un rôle important à jouer dans la lutte contre la tuberculose tant au pays qu’à l’étranger.  

D’importants progrès ont été réalisés pour fournir des traitements efficaces aux personnes atteintes de tuberculose un peu partout dans le monde, mais ces efforts ne sont pas suffisants et trop de personnes ne reçoivent pas les traitements nécessaires. Nous verrons de véritables progrès dans la lutte contre la tuberculose seulement lorsque les compagnies pharmaceutiques et les gouvernements prendront des mesures concrètes et des engagements à l’échelle mondiale pour éliminer les obstacles à l’accès et donner la priorité aux personnes plutôt qu’aux profits.  

*Les noms ont été changés pour protéger la vie privée.