Soudan : des milliers de personnes déplacées peinent à survivre après l’attaque meurtrière contre le camp de Zamzam
Des milliers de personnes souffrent toujours du manque d’abris, d’eau et de nourriture.
Depuis l’offensive menées après l’offensive menée par les Forces de soutien rapide contre le camp de Zamzam, au début du mois d’avril 2025, les combats continuent de faire rage à El Fasher. De nombreuses personnes ont été gravement blessées lors de l’attaque de ce camp, classé en situation de famine depuis août 2024. De plus en plus de personnes déplacées arrivent à Tawila, dans le Nord-Darfour, dans un état de grande détresse et cet afflux submerge les services d’urgence et de nutrition de l’hôpital que soutient MSF.
« Ils sont arrivés avec leurs mitrailleuses. Ils ont attaqué et tué des gens, dont des enfants. Ils ont brûlé notre maison avec tout ce que nous avions à l’intérieur. Ils ont violé les femmes. Ils ont tué, ils ont volé », raconte Mariam, qui est arrivée à Tawila trois jours après l’attaque de Zamzam. « Même avant l’attaque, des gens étaient morts de soif et de faim à cause du siège imposé sur Zamzam depuis un an. Tout était tellement cher et inabordable à la fin. »
« Il y a tellement de monde sous cet arbre, nous manquons d’eau et d’abri. Il n’y a rien à manger, tout le monde a faim. »
– Ibrahim, qui a fui Zamzam à pied avec 11 membres de sa famille
Mariam est arrivée à Tawila avec sa mère, ses sœurs et leurs enfants. Une famille de 20 personnes. Elles passent désormais leurs journées entassées les unes contre les autres sous l’abri de fortune qu’elles ont construit avec quelques branches et un morceau de tissu, et partagent le peu d’ombre qui leur est offert. « Ici, il n’y a rien à manger. Quelques personnes à Tawila ont partagé un peu de farine de millet avec nous, que nous avons utilisée pour faire du gruau. C’est ainsi que nous avons survécu jusqu’à présent : en mendiant. Nous allons chercher l’eau dans un réservoir, mais ils ne nous laissent remplir qu’un bidon par famille, alors que nous sommes 20. Nous n’avons qu’une seule couverture pour tous. »
Depuis le 12 avril, date à laquelle les premières personnes ont commencé à arriver à Tawila en provenance de Zamzam, les environs de la ville ont complètement changé. On estime désormais à plusieurs dizaines de milliers le nombre de personnes vivant dans des abris de fortune installés dans des projets agricoles qui étaient encore totalement inhabités il y a quelques semaines.
« Cela fait quatre jours que nous sommes ici, sans rien, comme vous pouvez le voir : pas de murs, pas de toit », raconte Ibrahim, qui a fui Zamzam à pied avec 11 membres de sa famille. Il a marché pendant cinq jours, portant l’un de ses enfants sur ses épaules, et un autre sur son dos. C’est la quatrième fois en dix ans qu’il est déplacé dans des circonstances similaires. Il décrit comment les soldats sont entrés dans les maisons, ont fait sortir les gens et ont ouvert le feu. Trois de ses frères ont été tués ainsi. Sur le chemin de Tawila, il a été pillé et il a vu des gens si violemment battus qu’ils ne pouvaient plus bouger.

« Il y a tellement de monde sous cet arbre, nous manquons d’eau et d’abri. Il n’y a rien à manger, tout le monde a faim », dit-il. « Nous recevons un peu de nourriture des cuisines communautaires. Parfois, nous arrivons à obtenir un peu de riz lorsque des repas sont distribués, mais si nous n’y parvenons pas, nous devons attendre le lendemain pour manger quelque chose. Pour l’eau, nous allons à un puits, mais il y a tellement de monde que nous devons attendre des heures avant de pouvoir boire. »
« La plus jeune personne que j’ai soignée était un bébé de sept mois qui avait reçu une balle sous le menton qui lui avait traversé l’épaule. Nous avons également reçu des bébés âgés d’un jour seulement qui souffraient de déshydratation. »
– Tiphaine Salmon, infirmière en chef de MSF
Une poignée d’organisations sont présentes à Tawila, mais le nombre de personnes ayant besoin d’assistance dépasse largement leur capacité d’intervention. Les équipes de MSF ont mis en place deux postes de santé sur les principaux sites d’arrivée, afin de fournir de l’eau et un soutien nutritionnel et médical immédiat. Nos collègues orientent ensuite les gens dans un état critique vers l’hôpital local de Tawila que soutient MSF depuis octobre 2024.
Tiphaine Salmon, infirmière en chef de MSF, travaillait à l’hôpital le jour où l’afflux massif de cas graves a commencé, le 12 avril. « Les urgences étaient débordées », raconte-t-elle. « Au cours des premiers jours, le nombre de patientes et de patients a presque doublé. À un moment, nous avions quatre personnes dans un lit, car nous n’avions pas assez de place. Plusieurs souffraient de blessures par balle et de blessures causées par une explosion. »
« Nous avons soigné 779 personnes au cours des trois dernières semaines, dont 138 enfants, et 187 d’entre elles étaient dans un état critique », ajoute Tiphaine Salmon. « La plus jeune personne que j’ai soignée était un bébé de sept mois qui avait reçu une balle sous le menton qui lui avait traversé l’épaule. Nous avons également reçu des bébés âgés d’un jour seulement qui souffraient de déshydratation. Beaucoup d’enfants sont arrivés sans leurs parents, et beaucoup de parents cherchaient désespérément leurs enfants. »
Nos équipes à l’hôpital ont également noté une augmentation massive des admissions dans notre centre de nutrition thérapeutique intensive. C’est dans ce centre que nous traitons les enfants de moins de cinq ans qui souffrent de malnutrition aiguë sévère et d’autres comorbidités. Au cours de la semaine qui a suivi cet afflux, les admissions ont presque été multipliées par dix, passant d’une moyenne de six ou sept par semaine à plus de soixante. Il s’agissait principalement d’enfants de Zamzam, ce qui témoignait clairement de la situation nutritionnelle dans ce camp frappé par la famine.


Pour aggraver la situation, une épidémie de rougeole a éclaté à Tawila, en mars dernier. À l’hôpital, MSF a traité plus de 900 cas suspects depuis le début février. Plus de 300 personnes dans un état critique ont dû être hospitalisées. Cette situation a conduit nos équipes à lancer, au cours de la première semaine d’avril, une campagne de vaccination à grande échelle qui a permis de vacciner 18 000 enfants de moins de cinq ans. Une semaine après le début de l’afflux massif de personnes en provenance de Zamzam, nos équipes ont néanmoins examiné plusieurs cas suspects parmi les enfants qui venaient d’arriver du camp. Cela signifie que la rougeole avait déjà commencé à se propager dans les sites de déplacement.
Dans des sites densément peuplés et où les conditions d’hygiène sont précaires, la combinaison de malnutrition et de rougeole peut avoir des conséquences désastreuses, voire mortelles pour les jeunes enfants.
MSF continue d’intervenir à Tawila. En plus d’offrir chaque jour des centaines de consultations médicales, nos équipes font don de nourriture sèche aux cuisines communautaires locales. Ces dons leur ont permis de préparer et de distribuer plus de 16 000 repas par jour. Nous fournissons également 100 000 litres d’eau potable par jour et prévoyons de construire 300 latrines supplémentaires.
Les besoins restent toutefois immenses et dépassent largement notre capacité à y répondre. Bien que d’autres organisations se soient également mobilisées et qu’une première distribution alimentaire massive ait eu lieu, la réponse humanitaire doit encore être renforcée de toute urgence. Nous exhortons les agences des Nations Unies à accroître considérablement leur présence afin de pouvoir coordonner une réponse qui permettra de répondre aux besoins toujours croissants.