À Kassala, dans l’est du Soudan, la situation des personnes déplacées à l’intérieur du pays exige une intervention humanitaire urgente
En février 2024, l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) estimait que près de 190 000 personnes avaient été déplacées dans le seul État de Kassala, au Soudan. Parmi elles, environ 40 000 ont fui les violences récentes dans l’État d’Al Jazirah. Cette situation entraîne d’urgents besoins en matière d’assistance humanitaire internationale.
À Kassala, le sort des personnes déplacées à l’intérieur du pays est emblématique de la crise humanitaire plus large qui touche le Soudan, dans la foulée du conflit en cours. Les communautés subissent de nombreuses pertes en vies humaines et en moyens de subsistance et souffrent notamment d’insécurité alimentaire.
Médecins Sans Frontières (MSF) a planifié un programme de dix semaines pour fournir une assistance médicale et humanitaire ciblée en réponse à l’urgence aiguë. Ce travail s’est achevé le 10 mars. L’ampleur de la crise dépasse les capacités d’une seule organisation et exige une action urgente et coordonnée de la part de la communauté internationale. Le voyage vers Kassala n’a pas été facile pour ces individus déplacés, dont beaucoup ont été déplacés plusieurs fois avant d’arriver à Kassala. L’un d’entre eux raconte le périlleux voyage qu’il a dû faire avec sa famille pour se rendre à Kassala.
« Après avoir reçu l’argent nécessaire pour quitter Wad Madani et se rendre à Kassala, le déplacement est devenu difficile. Nous avons cherché pendant quatre jours un véhicule, mais nous n’en avons pas trouvé. Nous avons utilisé le karoo (une charrette en bois tirée par un âne), puis le tuk-tuk, où les gens étaient divisés en groupes », raconte Abdul Ghani, une personne déplacée à Kassala. « Je me souviens que nous étions dans la zone du pont de Bekah pour l’évacuation, un avion de guerre nous a survolés et, en retour, ils [les Forces de soutien rapide] ont utilisé des canons antiaériens alors que nous étions à 20 mètres. C’est l’une des situations les plus difficiles que nous ayons vécues. »
Les conditions de vie des personnes déplacées à Kassala sont extrêmement difficiles, marquées par des abris surpeuplés, un accès limité à la nourriture et à l’eau potable, ainsi que des services de santé inadéquats et un accès insuffisant à ces derniers. Depuis la fin du mois de décembre 2023, les équipes de MSF ont traité 2 126 individus pour des infections respiratoires dans les différents sites de rassemblement des personnes déplacées de la ville. Bien qu’il s’agisse d’une morbidité courante en raison des températures froides, la situation est encore pire pour ceux et celles qui n’ont pas d’autre choix que de dormir dans des abris qui ne les protègent pas suffisamment du froid et du vent. De nombreuses personnes dépendent de la générosité des communautés d’accueil pour se procurer les produits de première nécessité, ce qui accroît leur vulnérabilité aux maladies et aux privations. Le spectre du choléra, de la typhoïde et de la dysenterie plane, menaçant la santé et le bien-être des personnes déplacées.
L’intervention de MSF comprenait la fourniture de services de soins de santé primaires, de soins de santé sexuelle et reproductive, de soins de santé mentale et d’initiatives de promotion de la santé. Des cliniques mobiles ont été déployées pour atteindre les sites de rassemblement éloignés, garantissant ainsi que les soins médicaux essentiels parviennent à ceux et celles qui en ont le plus besoin. Pendant un mois (du 11 février au 10 mars), les équipes ont offert 2 545 consultations médicales aux personnes déplacées et un soutien psychologique de première urgence à 1 334 personnes (172 séances de groupe et 167 séances individuelles) touchées par la violence, le conflit et de multiples déplacements.
L’accès au traitement des maladies non transmissibles comme l’hypertension et le diabète est gravement compromis, ce qui aggrave encore la crise sanitaire à Kassala. Au cours des dix semaines d’intervention d’urgence, près de 800 personnes (13 % du nombre total de consultations externes) ont été traitées par les équipes de MSF pour des maladies chroniques. De plus, les mouvements limités de fournitures et les coûts élevés ont rendu les médicaments essentiels inaccessibles pour de nombreuses personnes. « Je suis malade, j’ai de l’hypertension; à cause du conflit, je n’ai pas pris mes médicaments depuis dix mois. Où trouverais-je l’argent pour les acheter? Je n’en ai pas les moyens. J’ai essayé de collecter de l’argent, de travailler ici. L’aide que nous recevons n’est pas suffisante », déclare Moana*, une femme qui a vécu de multiples déplacements avec sa famille depuis le début de la guerre.
La nécessité d’intensifier les efforts humanitaires dépasse largement les limites de l’État de Kassala. Une action urgente s’impose dans tout le Soudan, dans les régions les plus difficiles d’accès comme le Darfour et Khartoum, mais aussi dans l’est du pays, où l’accès est plus facile, mais où l’aide ne parvient qu’au compte-gouttes par rapport à l’ampleur des besoins humanitaires. Une assistance accrue et une coordination renforcée entre les quelques acteurs présents sont nécessaires pour garantir un accès de base aux soins de santé, un approvisionnement durable en nourriture, en eau potable et en installations sanitaires, afin d’alléger les souffrances des communautés déplacées et d’éviter d’autres pertes humaines.
* Les noms ont été modifiés pour protéger la vie privée.
Dans l’est du Soudan, MSF gère des centres de santé dans les camps de Taneidba et d’Um Rakouba pour les personnes réfugiées, déplacées à l’intérieur du pays et les communautés locales. Dans le Nil Bleu, nous soutenons l’hôpital universitaire d’Ad Damizine.
Les équipes de MSF travaillent dans 11 États : Khartoum, Port-Soudan, Al-Jazeera, Nil Blanc, Nil Bleu, Nil Rivière, Al Gedaref, Darfour Ouest, Darfour du Nord, Darfour Central et Darfour du Sud. Les équipes de MSF prêtent également assistance aux personnes réfugiées et aux rapatriées de l’autre côté de la frontière du Soudan, au Soudan du Sud et au Tchad.