Dans le service d’isolement de l’hôpital universitaire d’El Geneina, soutenu par MSF, Ferdos Salih tient dans ses bras son bébé, Banan, atteint de la rougeole. Soudan, 2025. © Natalia Romero Peñuela/MSF
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Soudan : les cas de rougeole augmentent fortement au Darfour malgré des mois d’appels à la vaccination

Alors que la rougeole se propage dans la région du Darfour ravagée par la guerre, les autorités sanitaires doivent lancer une campagne de vaccination. L'UNICEF doit quant à elle coordonner d'urgence les efforts pour fournir des vaccins et d'autres approvisionnements.

En l’absence de campagne de vaccination requise de toute urgence, les cas de rougeole augmentent rapidement dans les États du Darfour central, occidental et du Sud. Depuis septembre 2025, plus de 1 300 cas ont été enregistrés dans les structures de santé bénéficiant du soutien de Médecins Sans Frontières (MSF). L’organisation avait pourtant réitéré la nécessité de lancer des campagnes de vaccination et de reprendre les programmes de vaccination systématique.

MSF appelle instamment les autorités à éliminer immédiatement tous les obstacles bureaucratiques et administratifs au transport des vaccins dans l’ensemble du Darfour. En parallèle, l’UNICEF doit coordonner les efforts avec plus de diligence. Il faut accroître le transport et la livraison des vaccins, des seringues et des approvisionnements nécessaires. Nous appelons également les ministères de la Santé des États concernés et du gouvernement fédéral à lancer une campagne urgente de vaccination contre la rougeole et un programme de vaccination systématique.

« La rougeole est une maladie évitable. Pour lutter contre cette maladie, un calendrier vaccinal de base et une vaccination réactive en temps opportun suffisent », explique Ahmed Fadel, coordonnateur des urgences de MSF au Darfour. « Cependant, en raison des conflits, d’obstacles administratifs et de retards imputables à des organismes clés, ces deux mesures ont été fortement réduites. Ces retards exposent les enfants à une maladie potentiellement mortelle. »

« Il est désormais urgent que le ministère de la Santé, avec le soutien de ses partenaires dans le domaine de la santé, notamment l’UNICEF, reprenne la vaccination systématique et garantisse un approvisionnement suffisant en vaccins. Nous avons les moyens d’assister d’innombrables personnes, mais après plus de deux ans et demi de guerre, le peuple soudanais continue d’être laissé pour compte. »

– Ahmed Fadel, coordonnateur des urgences de MSF au Darfour

Ferdos Salih a amené Banan, son bébé de 11 mois, qui souffre de rougeole et de malnutrition aiguë sévère, à l’hôpital universitaire d’El Geneina, au Darfour occidental.

« La guerre nous a obligés à fuir Omdurman pendant que j’étais enceinte et elle est née prématurément », explique Ferdos. « Elle a beaucoup souffert à cause de ses hospitalisations répétées. À cause de la guerre, elle n’a pas pu être vaccinée non plus. »

Depuis leur déplacement, Ferdos et Banan vivent avec deux autres familles. Banan a été contaminée par son grand frère, car il n’y avait pas assez de place dans leur logement pour l’isoler correctement lorsqu’il a contracté la rougeole.

Dans le service d’isolement de l’hôpital universitaire d’El Geneina, soutenu par MSF, Ferdos Salih tient dans ses bras son bébé, Banan, atteint de la rougeole. Soudan, 2025. © Natalia Romero Peñuela/MSF

Le conflit bloque quasiment l’acheminement des vaccins

L’acheminement de vaccins destinés à des campagnes réactives et à des programmes de vaccination se déroule dans un environnement opérationnel extrêmement difficile au Soudan. Le conflit en cours a perturbé les voies d’importation et créé d’importants obstacles administratifs et bureaucratiques pour les organisations humanitaires participant aux activités de vaccination. Ceci comprend des retards liés aux autorisations pour les expéditions transfrontalières et aux procédures exigées par les autorités soudanaises.

Parallèlement, la coordination de l’approvisionnement des vaccins et d’autres fournitures nécessaires à la vaccination n’est pas suffisante. Cela entraîne des arrivées à des endroits et à des moments différents. Cette situation engendre un obstacle supplémentaire à surmonter avant de pouvoir commencer la vaccination.

« Il s’agit-là de la principale cause des retards », explique Ahmed Fadel. « L’approvisionnement en vaccins et en matériel associé à ces activités doit être mieux coordonné afin que l’ensemble parvienne beaucoup plus rapidement là où les besoins sont les plus urgents. »

Les hôpitaux traitent un nombre croissant de personnes atteintes de rougeole et de malnutrition

À l’hôpital de Zalingei, au Darfour central, nos équipes ont traité 1 093 personnes atteintes de rougeole depuis le début de l’année 2025. Ces derniers mois, elles ont vu une forte augmentation : 78 % des cas enregistrés cette année sont survenus depuis septembre. À l’hôpital universitaire de Nyala, au Darfour du Sud, nos équipes ont traité 242 personnes atteintes de rougeole cette année, dont 95 % depuis septembre. Par ailleurs, l’hôpital universitaire d’El Geneina, au Darfour occidental, a soigné 429 cas de rougeole en 2025, dont 59 % entre septembre et novembre.

Matara Abakar a amené son fils de 10 mois, Natrin, à l’hôpital Zalingei au Darfour central. Il était malade depuis 17 jours et souffrait de fièvre, de diarrhée, de toux et d’éruptions cutanées. Il est également atteint d’une malnutrition sévère.

« Nous avons du mal à trouver du travail, » explique Matara Akabar. « Je cultive la terre et il est difficile pour moi de gagner suffisamment d’argent pour acheter de la nourriture convenable. Notre source d’alimentation est de l’asida (un plat soudanais à base de farine de sorgho ou de millet). » Matara a aussi deux autres enfants qui n’ont pas reçu tous leurs vaccins non plus.

Plus de 34 % des personnes soignées dans les hôpitaux de Zalingei et de Nyala souffrent également de malnutrition aigüe. Ceci augmente la gravité de la rougeole et entraîne rapidement des complications potentiellement mortelles, comme la pneumonie et l’encéphalite (une grave inflammation du cerveau). Les retards dans les livraisons de vaccins et les reports répétés du lancement d’une campagne de vaccination réactive laissent les enfants sans protection, tandis que l’épidémie continue de se propager.

Plus de 29 % des cas à Zalingei et 34 % à Nyala concernaient des enfants de plus de cinq ans. Ces chiffres mettent en évidence l’incapacité de longue date à assurer la vaccination systématique dans la région, même avant l’escalade du conflit actuel. Par conséquent, les mesures prises face à ces épidémies devraient inclure les enfants âgés de six mois à 15 ans.

Dans l’unité d’isolement de la rougeole de l’hôpital universitaire d’El Geneina, soutenu par MSF, des mères s’occupent de leurs enfants malades. Soudan, 2025. © Natalia Romero Peñuela/MSF

Des campagnes de vaccination insuffisantes

En juin 2025, des campagnes de vaccination à grande échelle ont été menées dans la région du Djebel Marra, au Darfour central. Cependant, elles n’ont pas été mises en œuvre à Zalingei, ni au Darfour du Sud ou au Darfour occidental. Dans ces régions, nos équipes constatent aujourd’hui une forte augmentation du nombre de cas. À l’époque, MSF avait alerté que ces campagnes n’auraient qu’un impact à court terme. Bien que certains efforts aient été faits pour acheminer des vaccins et des marchandises sèches, une campagne de vaccination de masse ainsi qu’une intensification des vaccinations de routine sont nécessaires de toute urgence pour enrayer la propagation.

Entre novembre 2024 et mai 2025, les équipes de MSF ont mené quatre campagnes de vaccination en réponse aux épidémies :

  • En novembre 2024, nos équipes ont vacciné 9 600 enfants dans le nord du Djebel Marra.
  • En février 2025, MSF a mené une intervention contre la rougeole dans la région du Djebel Marra, au Darfour du Sud. Elle y a traité 5 909 personnes et vacciné 36 209 enfants contre la rougeole.
  • Entre décembre 2024 et mai 2025, nos équipes ont vacciné plus de 79 000 enfants à Rokero, dans le nord du Djebel Marra. À l’issue de la campagne, le nombre de cas de rougeole avait diminué de 96,5 %.
  • En avril, les équipes de MSF ont vacciné plus de 54 000 enfants à Foro Baranga, au Darfour occidental.

Les équipes de MSF au Darfour traitent actuellement des malades souffrant de diphtérie, de coqueluche et d’autres maladies évitables par la vaccination. « Il est désormais urgent que le ministère de la Santé, avec le soutien de ses partenaires dans le domaine de la santé, notamment l’UNICEF, reprenne la vaccination systématique et garantisse un approvisionnement suffisant en vaccins. Nous avons les moyens d’assister d’innombrables personnes, mais après plus de deux ans et demi de guerre, le peuple soudanais continue d’être laissé pour compte. »

Cette situation s’inscrit dans un contexte mondial difficile. En 2024, 59 pays ont signalé d’importantes épidémies de rougeole perturbatrices. Il s’agit de quasiment le triple du nombre signalé en 2021, qui est le plus élevé depuis le début de la pandémie de COVID-19. Pendant ce temps, les coupes budgétaires importantes dans le financement du Réseau mondial de laboratoires pour la rougeole et la rubéole de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et des programmes nationaux de vaccination risquent d’aggraver les lacunes en matière d’immunisation et de provoquer de nouvelles épidémies.