Des personnes déplacées sont rassemblées à Tawila. Soudan, 2025. © Jérôme Tubiana
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Soudan : MSF dénonce les atrocités de masse et craint que de nombreuses personnes soient en grand danger à El Fasher et dans ses environs

MSF exhorte les groupes armés à protéger les personnes civiles et à garantir leur sécurité.

Médecins Sans Frontières (MSF) dénonce les atrocités et les massacres, tant indiscriminés que dirigés contre des groupes ethniques, qui ont lieu cette semaine à El Fasher et dans ses environs. Nous réitérons notre crainte qu’un grand nombre de personnes soient en danger et empêchées par les Forces de soutien rapide (FSR) et leurs alliés d’atteindre des zones plus sûres, telles que Tawila où nous travaillons. 

Lorsque El Fasher a été prise par les FSR le 26 octobre, nos équipes à Tawila, située à 60 kilomètres de la ville assiégée, se sont préparées à faire face à un afflux massif de personnes déplacées et blessées. Cette situation fait suite à 17 mois de siège et d’attaques incessantes. 

Ces derniers mois, des vagues de personnes ont fui vers Tawila après chaque escalade majeure de la violence à El Fasher. Selon l’ONU, 260 000 personnes demeuraient encore dans la ville à la fin du mois d’août. Cependant, au cours des cinq derniers jours, un peu plus de cinq mille personnes ont réussi à se rendre à Tawila, comme le rapportent les organisations humanitaires travaillant dans la région. Ces personnes décrivent avoir été témoins de massacres. Elles affirment également que les gens sont bloqués dans la ville. À El Fasher et dans les villes voisines, ainsi que le long des voies d’évacuation, plusieurs personnes ont survécu à des actes de torture, à des enlèvements contre rançon, à des violences sexuelles et à des exécutions sommaires.  

« Le nombre de personnes qui arrivent ne correspond pas, alors que les témoignages faisant état d’atrocités à grande échelle se multiplient », déclare Michel Olivier Lacharité, responsable des urgences de MSF. « Où sont passées toutes les personnes disparues qui ont déjà survécu à des mois de famine et de violence à El Fasher? »  

« D’après ce que nous disent les gens, la réponse la plus probable, bien que terrible, est qu’elles sont tuées, bloquées et pourchassées alors qu’elles tentent de fuir. Nous appelons de toute urgence la FSR et ses groupes armés alliés à épargner les personnes civiles et à leur permettre de se mettre en sécurité. Nous exhortons également tous les acteurs diplomatiques, y compris le “Quad” composé des États-Unis, de l’Arabie saoudite, des Émirats arabes unis et de l’Égypte, à user de leur influence pour mettre fin au bain de sang. »  

Entre le 26 et le 28 octobre, de nouvelles personnes arrivées en provenance d’El Fasher, principalement des femmes, des enfants et des personnes âgées souffrant de malnutrition catastrophique, ont été transportées par camion. D’autres, notamment des gens blessés par balle, ont voyagé à pied, se cachant pendant la journée et marchant de nuit pour éviter les hommes armés sur les routes principales.  

Parmi les nouvelles personnes arrivées le 27 octobre, nous avons compté 70 enfants de moins de cinq ans qui souffraient tous de malnutrition aiguë, dont 57 % de malnutrition aiguë sévère. Le lendemain, notre équipe a examiné 120 hommes arrivant d’El Fasher, dont 20 % présentaient les mêmes symptômes. Ces chiffres bouleversants révèlent la souffrance extrême vécue par les gens à El Fasher et dans les camps environnants. La région a été déclarée en état de famine il y a plus d’un an. Depuis, elle est de plus en plus coupée de l’approvisionnement en nourriture et en fournitures essentielles, ce qui force les communautés à se nourrir de tout ce qu’elles peuvent trouver, juste pour survivre. 

Plusieurs témoins ont raconté à MSF qu’un groupe de 500 personnes, ainsi que des soldats des Forces armées soudanaises (FAS) et des forces conjointes avaient tenté de fuir, le 26 octobre, mais que la plupart d’entre eux avaient été tués ou capturés par les FSR et leurs alliés. Les personnes survivantes rapportent que les gens ont été séparés selon leur genre, leur âge ou leur identité ethnique présumée. Elles racontent aussi que beaucoup sont retenus en otage contre une rançon allant de 5 à 30 millions de livres soudanaises (entre 11 650 et 69 899 dollars canadiens). Un survivant a déclaré avoir payé 24 millions de livres soudanaises (55 919 dollars canadiens) à ses ravisseurs pour sauver sa vie et s’échapper. Un autre a rapporté des scènes absolument horribles où des combattants écrasaient plusieurs prisonniers avec leurs véhicules. 

« Entre le 26 et le 29 octobre, nous avons reçu 396 individus blessés. Nous avons soigné plus de 700 personnes nouvellement arrivées d’El Fasher dans une salle d’urgence dédiée de l’hôpital », explique Livia Tampellini, médecin et responsable adjointe des urgences de MSF. « Les principales blessures traitées à l’hôpital sont des blessures par balle, des fractures et d’autres blessures liées à des coups et à la torture. Certaines personnes souffrent de plaies infectées ou de complications liées à des interventions chirurgicales déjà pratiquées à El Fasher dans des conditions désespérées, sans pratiquement aucun accès à des fournitures médicales et à des médicaments. » 

MSF a mis en place un poste de santé à l’entrée de Tawila, tout en intensifiant la prise en charge des soins d’urgence, les soins chirurgicaux et les autres services médicaux à l’hôpital. La plupart de nos collègues soudanais à Tawila ont des proches qui ont été tués à El Fasher au cours de la semaine. Les personnes déplacées déjà présentes dans la ville vont à la rencontre de celles qui arrivent dans l’espoir de reconnaître un visage familier parmi ces gens affamés et traumatisés, ou encore d’avoir des nouvelles de leurs proches disparus. 

« Compte tenu de l’état des personnes qui ont fui et qui ont réussi à atteindre Tawila à peine vivantes, il est clair qu’il y a un besoin urgent de soins médicaux et nutritionnels, d’aide psychosociale, d’abris, d’eau et d’assistance humanitaire de façon générale », explique Livia Tampellini. Il n’y a plus de temps à perdre pour prêter assistance aux autres personnes survivantes, qui doivent être autorisées à se déplacer vers des zones plus sûres et à bénéficier d’une aide essentielle.