Une membre de l’équipe de MSF s’entretient avec des mères admises dans le programme de MSF destiné aux femmes enceintes et allaitantes qui souffrent de malnutrition sévère. Soudan, 2025. © Abdoalsalam Abdallah
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Soudan : un rapport de MSF révèle le manque flagrant de protection et d’assistance dans le Sud-Darfour

Selon un nouveau rapport de Médecins Sans Frontières (MSF), la violence, l’insécurité et la faim bouleversent la vie des gens du Sud-Darfour, au Soudan. 

Intitulé Voices from South Darfur (disponible en anglais seulement), ce rapport illustre clairement comment la violence généralisée, un système de santé en ruine et une réponse internationale inadéquate poussent la résilience des communautés à ses limites. 

« Ces récits témoignent de la souffrance, de la violence et de la cruauté auxquelles les gens du Sud-Darfour doivent faire face, mais aussi de leur résilience et de leur compassion », explique Ozan Agbas, responsable des urgences de MSF au Soudan. « Face à l’effondrement de la protection civile et à l’insuffisance de l’assistance humanitaire, les communautés du Sud-Darfour demandent une écoute, une reconnaissance et un appui. »

Ikhlas Musa Ramadan, l’une des nombreuses mères admises dans le programme de MSF destiné aux femmes enceintes et allaitantes souffrant de malnutrition sévère, fait la queue pour recevoir son panier alimentaire. Soudan, 2025. © Abdoalsalam Abdallah

Voices from South Darfur (disponible en anglais seulement) 

En 2023, la région du Sud-Darfour a connu une guerre urbaine intensive qui a détruit des hôpitaux et des infrastructures essentielles. La présence humanitaire, importante avant le déclenchement de la guerre civile, en avril de la même année, s’est amenuisée au fur et à mesure que les affrontements s’intensifiaient.  

Bien que les combats au sol aient cessé pour l’instant, l’insécurité persiste. Les gens sont exposés à d’extrêmes violences, tant sur les routes que dans les terres agricoles, sur les marchés et à leur domicile. Les cas de détentions arbitraires, de vols et de pillages sont fréquents. Les frappes aériennes, y compris celles menées par des drones, continuent de frapper le Sud-Darfour et d’autres régions du pays. 

Les violences sexuelles sont généralisées. Entre janvier 2024 et mars 2025, MSF a soigné 659 personnes ayant survécu à ce type de violences, dont 56 % avaient été agressées par des personnes non civiles.  

Dans un camp de personnes déplacées, une femme de 25 ans du Sud-Darfour s’est confiée à MSF : « Quand les femmes essaient de sortir du camp pour cultiver… ils nous battent, ils nous torturent. Il n’y a aucun moyen de s’en sortir. La fille de ma tante a été violée par six hommes, il y a seulement six jours… Je ne me sens pas en sécurité, car si je sors, je vais être violée. »

Une famille prend le chemin du retour après s’être rendue à une distribution de paniers de nourriture. Soudan, 2025. © Abdoalsalam Abdallah

Les gens décrivent la peur et l’anxiété de leurs enfants, ainsi que leurs propres sentiments d’impuissance et d’indignité. Ils avouent se sentir pris au piège. 

« Nos fermes sont complètement détruites […]. Mon mari a été tué il y a quatre mois. Nous n’avons plus rien maintenant », a expliqué à MSF une femme déplacée dans la localité de Beleil. « Depuis trois jours, je n’ai rien mangé. Je ne sais pas ce qui m’arrivera sur le chemin du retour. J’ai peur, car ceux qui ont tué mon mari pourraient bien me faire la même chose. » 

La violence a anéanti le système de santé. En raison de multiples facteurs, les soins adéquats ne sont tout simplement pas accessibles. Les installations ont été détruites, endommagées ou abandonnées. Le personnel soignant a fui ou travaille sans être rémunéré. Les fournitures sont inexistantes ou ne parviennent plus à destination. Enfin, les gens peinent à payer le transport pour accéder aux rares services encore existants.

« Je dépends de ce que je trouve, au jour le jour. Si j’obtiens quelque chose, nous mangerons. Si je n’obtiens rien, nous ne mangerons pas. C’est ça, ma vie. »

– Une femme du camp de personnes déplacées d’Al-Salam

L’insécurité est intimement liée à la faim, car la menace de violence a coupé l’accès aux terres agricoles et aux revenus. Entre janvier 2024 et mars 2025, MSF a soutenu des programmes dans le Sud-Darfour qui ont permis de soigner plus de 10 000 enfants de moins de cinq ans souffrant de malnutrition aiguë. À travers ces programmes, des milliers de femmes et de filles enceintes et allaitantes souffrant de malnutrition ont également pu recevoir un traitement nutritionnel. 

Avec l’arrivée imminente de la saison des pluies et de la période de soudure, la crise de la malnutrition risque de s’aggraver davantage. 

Face à la flambée des prix des denrées alimentaires, les familles ne doivent se contenter que d’un seul repas par jour, et parfois d’aucun. « Je dépends de ce que je trouve, au jour le jour », a confié à MSF une femme du camp de personnes déplacées d’Al-Salam. « Si j’obtiens quelque chose, nous mangerons. Si je n’obtiens rien, nous ne mangerons pas. C’est ça, ma vie. » 

Depuis le début de la guerre, la réponse des organisations internationales et des agences de l’ONU a été faible, incohérente et lente à atteindre le Sud-Darfour. « Nous avons entendu dire que les organisations internationales aident les gens, mais elles ne nous apportent jamais rien », expliquait une femme à Nyala, en novembre 2024. 

Des signes d’amélioration ont récemment été observés. Les agences de l’ONU trouvent de plus en plus de moyens d’acheminer des approvisionnements humanitaires dans la région. De plus, les organisations non gouvernementales (ONG) intensifient progressivement leur présence et leurs activités. Cependant, les restrictions d’accès demeurent nombreuses. Les agences de l’ONU ne sont donc toujours pas présentes sur le terrain pour diriger et coordonner l’intervention, et les ONG avancent lentement et avec prudence. 

Une membre de l’équipe de la maternité effectue une ronde à l’hôpital universitaire de Nyala, Sud-Darfour. Soudan, 2024. © Abdoalsalam Abdallah/MSF

Les communautés s’unissent pour surmonter les conséquences de la violence. Le voisinage se soutient mutuellement et partage leur nourriture. Des groupes de jeunes déblayent les décombres et les munitions non explosées, et achètent des médicaments pour les personnes déplacées installées dans leur quartier. Du personnel enseignant travaille bénévolement dans des bâtiments endommagés.  

MSF a soutenu des initiatives locales pour faciliter la gestion de cuisines communautaires et fournir des repas aux élèves. Nous avons aussi soutenu des centres de santé dirigés par des bénévoles, et réhabilité des établissements de santé et des réseaux d’approvisionnement en eau. MSF a également mis sur pied un programme qui a permis de fournir de la nourriture à 6 000 familles dans plusieurs localités de l’État.  

Ces programmes démontrent qu’il est possible de soutenir les initiatives locales et d’améliorer les services en conjuguant la détermination, la créativité et la volonté de prendre des risques. 

« Les organisations locales au Darfour possèdent les connaissances et l’expertise nécessaires pour offrir des services essentiels », affirme Ozan Agbas. « Mettre à disposition du personnel intervenant en première ligne des fournitures, des financements et un pouvoir de décision contribuera grandement à protéger des vies. » 

Les témoignages et les données médicales figurant dans le rapport Voices from South Darfur (disponible en anglais seulement) ont été recueillis dans le cadre de nos activités entre janvier 2024 et mars 2025.