Muneeba Shaikh, médecin, examine les radiographies d’une personne qui participe à l’essai clinique endTB-Q, à la clinique endTB gérée par Interactive Research & Development à Kotri. Pakistan, 2024. © Asim Hafeez
PARTAGEZ

La crise du financement du Fonds mondial menace des décennies de progrès contre le VIH, la tuberculose et le paludisme

L’objectif de financement doit être atteint cette semaine afin d’éviter des coupes budgétaires dramatiques et une flambée des coûts pour les personnes qui ont besoin de soins.

À la veille du Sommet de la huitième reconstitution des ressources du Fonds mondial à Johannesburg, Médecins Sans Frontières (MSF) appelle les leaders mondiaux à respecter l’objectif de financement 18 milliards USD (25 milliards CAD) fixé par le Fonds mondial.  

Faillir à cet objectif risque d’entraîner des coupes catastrophiques dans les services essentiels, de faire ressurgir le VIH, la tuberculose et le paludisme, et de faire peser le fardeau financier des soins de santé sur les personnes les plus vulnérabilisées à travers le monde. 

La réunion de haut niveau pour la levée de fonds se tiendra le vendredi 21 novembre 2025, en marge du Sommet du G20. Les promesses de dons pour ce cycle de financement de trois ans (2027-2029) risquent d’être inférieures de plusieurs milliards à l’objectif nécessaire pour répondre efficacement au VIH, à la tuberculose et au paludisme. Elles seront probablement même des milliards de dollars en deçà du dernier réapprovisionnement de 15 milliards USD (21 milliards CAD), déjà largement insuffisant pour financer la lutte contre ces maladies.  

« La communauté internationale ne peut pas se permettre de fléchir maintenant. […] Lorsque les financements sont insuffisants, ce sont les personnes qui ont besoin de soins, celles qui n’ont pas les moyens d’en acquitter les frais, qui en paient le prix. »

– Tess Hewett, conseillère en politiques de santé chez MSF

Les conséquences d’un non-respect de l’objectif de 18 milliards USD (25 milliards CAD) seraient graves et immédiates. Si les engagements sont insuffisants, des activités essentielles seront compromises, comme le soutien aux systèmes de collecte de données qui permettent de suivre l’incidence des maladies et la qualité des services. Ceci entraînerait le recul des avancées réalisées lors des deux précédents réapprovisionnements du Fonds mondial.  

Les coupes pourraient frapper de plein fouet la lutte mondiale contre la tuberculose, puisque le Fonds mondial finance actuellement 76 % de la réponse internationale dans ce domaine. De plus, l’adoption d’outils prometteurs, comme les nouveaux vaccins contre la tuberculose, les vaccins existants contre le paludisme, ou encore les nouvelles méthodes de prévention du VIH comme le lénacapavir, serait limitée.  

« La communauté internationale ne peut pas se permettre de fléchir maintenant », alerte Tess Hewett, conseillère en politiques de santé chez MSF. « Nous voyons de grands bailleurs traditionnels annoncer des réductions drastiques de leurs contributions, alors même que le besoin d’investissements durables augmente. Lorsque les financements sont insuffisants, ce sont les personnes qui ont besoin de soins, celles qui n’ont pas les moyens d’en acquitter les frais, qui en paient le prix. »

Un technicien en radiologie prépare une personne pour une radiographie afin de dépister une éventuelle tuberculose pulmonaire à l’hôpital général de référence de Mweso, soutenu par MSF, dans le Nord-Kivu. République démocratique du Congo, 2023. © Laora Vigourt/MSF

L’insuffisance des fonds fait peser le fardeau sur les personnes vulnérabilisées

Tout retard dans la finalisation des engagements financiers au-delà du 21 novembre compromettra la planification efficace des programmes. Elle forcera le recours à des mécanismes moins efficients, tels que l’optimisation des portefeuilles ou les compléments de financement en cours de cycle. 

Lorsque les fonds sont insuffisants, le fardeau financier est souvent reporté sur les communautés vulnérabilisées par une pression accrue sur la « mobilisation des ressources nationales ». Bien que cette mesure soit envisagée comme une augmentation des dépenses de santé des gouvernements nationaux, elle se traduit en réalité fréquemment par une augmentation des dépenses directes effectuées par les personnes qui reçoivent des soins. Cela est particulièrement vrai dans les pays à faible revenu, où ces dépenses constituent déjà la principale source de financement de la santé.

Abdu Samya Bashagha, médecin, regarde une radiographie à l’hôpital Abu Sitta, où MSF mène des activités de lutte contre la tuberculose. Libye, 2022. © Omar Rashid/MSF

Les premiers engagements pour cette reconstitution des ressources sont extrêmement préoccupants. L’Allemagne et le Royaume-Uni, les seuls grands pays financeurs traditionnels à s’être engagés jusqu’à présent ont tous deux réduit leur contribution par rapport au cycle précédent. Plus précisément, l’Allemagne s’est engagée à verser 1,6 milliard USD au lieu de 2,1 milliards, et le Royaume-Uni s’est engagé à verser 1,5 milliard USD au lieu de 1,8 milliard. Aucun bailleur de fonds n’a augmenté son engagement en tenant compte de l’inflation.  

Si les principaux pays financeurs suivent l’exemple de l’Allemagne et du Royaume-Uni, les conséquences seront catastrophiques pour les communautés touchées par la tuberculose, le VIH et le paludisme, les trois maladies infectieuses les plus meurtrières au monde, bien que totalement évitables. 

« Nous exhortons les principaux bailleurs à tenir compte des données présentées dans le rapport Deadly Gaps de MSF (en anglais seulement) et à s’engager pleinement le 21 novembre », conclut Tess Hewett.  

« Pour accélérer les progrès vers l’Objectif de développement durable n° 3 et mettre fin à la tuberculose, au VIH et au paludisme en tant que menaces pour la santé publique, le Fonds mondial a besoin de l’intégralité des 18 milliards USD ($25 milliards Canadian). Avec les ressources adéquates, le Fonds mondial estime pouvoir préserver 23 millions de vies et réduire de moitié la mortalité en seulement six ans. »