La reconstitution du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme est une occasion pour le Canada de défendre les principes d’humanité
Sans une action urgente, des décennies de progrès en matière de santé mondiale seront désormais menacées.
Les efforts internationaux visant à répondre au sida, à la tuberculose (TB) et au paludisme sont aujourd’hui menacés par des coupes drastiques dans le financement de la santé mondiale. Ces trois maladies infectieuses figurent pourtant parmi les plus nocives et les plus répandues dans le monde.
Depuis des décennies, le Fonds mondial de lutte contre le sida, la TB et le paludisme (communément appelé le Fonds mondial) joue un rôle central dans la lutte contre ces maladies. Les États-Unis en étaient jusqu’à tout récemment les plus grands bailleurs de fonds. En janvier, ils ont annoncé la suspension et la révision complète de leur assistance internationale. Depuis, ils n’ont versé que la moitié des 6 milliards de dollars (8,3 milliards CAD) qu’ils s’étaient engagés à verser au Fonds mondial pour la période 2023-2025.
Simultanément, et bien que cela ne fasse pas toujours la une des journaux, d’autres pays ont également réduit leurs budgets d’assistance internationale. D’autres importants bailleurs de fonds, dont le Canada, n’ont pas encore annoncé leur engagement pour le prochain cycle de financement triennal du Fonds mondial, qui doit être présenté en novembre.
Le Fonds mondial joue depuis longtemps un rôle fondamental dans la lutte contre le VIH, la TB et le paludisme dans les pays dont les systèmes de santé sont fragiles. Il contribue à l’achat des médicaments et des tests de diagnostic, à la rémunération des membres du personnel de santé et au soutien des efforts de prévention des maladies.
À moins que des engagements plus substantiels ne soient pris dans les semaines et les mois à venir, les efforts déployés depuis des décennies pour réduire les maladies et les décès pourraient subir un revers considérable.
Au Honduras, par exemple, les coupes budgétaires américaines ont mis fin, au début de l’année, à de nombreux programmes de prévention du VIH et de soins. Du jour au lendemain, de nombreuses personnes ont perdu l’accès aux médicaments de prophylaxie préexposition (PrEP). Cette mesure a éliminé un outil essentiel dans la prévention de la propagation du VIH.
Un financement essentiel pour la santé mondiale
Médecins Sans Frontières (MSF) offre chaque année des soins médicaux à des dizaines de milliers de personnes atteints du VIH ou de la TB. Nous offrons également des soins à plus de 3 millions de personnes atteintes du paludisme.
MSF n’est pas financée par le Fonds mondial. Toutefois, nous sommes profondément préoccupés par l’impact qu’aura le déclin du financement sur ses programmes. Des centaines d’organisations de santé communautaire ont jusqu’à maintenant bénéficié du soutien du Fonds mondial. Parmi celles-ci, plusieurs sont actuellement contraintes de revoir à la baisse leurs plans d’action en raison de l’incertitude financière et de coupes budgétaires qui pourraient s’avérer encore plus dévastatrices.
Les conséquences de ces coupures se manifesteront par une augmentation des maladies et des décès. Les équipes de MSF en sont d’ailleurs témoins, alors que d’autres bailleurs de fonds internationaux en matière de santé se retirent déjà des régions où nous travaillons.

Des impacts tangibles là où les besoins sont les plus grands
Au Honduras, par exemple, les coupes budgétaires américaines ont mis fin, au début de l’année, à de nombreux programmes de prévention du VIH et de soins. Du jour au lendemain, de nombreuses personnes ont perdu l’accès aux médicaments de prophylaxie préexposition (PrEP). Cette mesure a éliminé un outil essentiel dans la prévention de la propagation du VIH. Les gens ont été privés de suivi, après que les membres du personnel de santé ont perdu leur emploi. Conséquence : de plus en plus de personnes séropositives reviennent dans les centres de santé avec des infections opportunistes très avancées.
Ces coupes dans l’assistance mondiale interviennent à un moment où de nombreuses régions sont confrontées à des crises qui compromettent déjà l’offre de soins de santé.
Au Soudan, par exemple, la pénurie critique d’approvisionnements pour le VIH, la tuberculose et le paludisme est un problème persistant depuis le début de la guerre. À titre d’exemple, les médicaments contre le VIH et la TB sont actuellement totalement indisponibles dans toute la région du Kordofan du Sud (montagnes Nuba). Le dernier approvisionnement connu était un petit don de MSF.
La réalité des maladies infectieuses est qu’elles se propagent, lorsqu’elles ne sont pas contrôlées. La réduction des financements peut compromettre des années de progrès durement acquis. Dans de nombreux endroits où nous travaillons, l’idée selon laquelle le financement de la santé mondiale peut être remplacé par les gouvernements nationaux n’est pas viable. Comme le souligne le récent rapport de MSF intitulé « Deadly Gaps » (disponible uniquement en anglais), le coût des soins retombe inévitablement sur les patientes et les patients qui n’ont pas les moyens de se soigner.
Toutefois, le maintien de programmes efficaces et le soutien à des innovations prometteuses peuvent contribuer à protéger des vies aujourd’hui et dans le futur. L’expérience a démontré que les organisations communautaires, comme celles soutenues par le Fonds mondial, sont très efficaces pour offrir des services et améliorer les résultats de prévention et de traitement. Les progrès qu’elles réalisent ne devraient pas être remis en cause.

Des restrictions qui compromettent des innovations prometteuses
Les coupes budgétaires interviennent alors même que les progrès médicaux offrent un potentiel considérable. Des millions de personnes peuvent désormais vivre en bonne santé avec le VIH grâce à la suppression de la charge virale. Toutefois, le VIH continue de causer environ 1,3 million de nouvelles infections et plus de 600 000 décès par an.
La nouvelle PrEP injectable peut prévenir la contamination par le VIH et protéger les personnes à haut risque. Elle réduit notamment la transmission à plus grande échelle. Au Malawi, par exemple, les travailleurs et les travailleuses du sexe sont exposés à un risque extrêmement élevé d’infection au VIH, avec une prévalence de presque 60 %. Nos équipes travaillent actuellement avec des organisations pour fournir une PrEP injectable dans deux villes. Les efforts d’extension à l’échelle nationale sont cependant au point mort en raison de la réduction du financement américain.
La lutte contre le VIH, la TB et le paludisme est un défi qui exige encore aujourd’hui l’engagement de tous les secteurs, contextes et disciplines. Nous exhortons le Canada à continuer d’apporter son soutien essentiel au Fonds mondial.
Bien que la TB cause environ 1,5 million de décès par an, la recherche et l’expérience montrent aujourd’hui qu’il est possible de l’éradiquer. Grâce notamment aux efforts du Fonds mondial, moins de cas échappent désormais au dépistage. Nous disposons de meilleurs outils de diagnostic et de traitements plus courts. Nous obtenons par ailleurs de meilleurs résultats de prévention et de traitement pour les personnes atteintes d’infections de TB latentes et de différentes souches bactériennes. La mise en œuvre à grande échelle de toutes ces mesures nécessite toutefois un financement durable.
Au Soudan, par exemple, MSF a constaté que du matériel de dépistage de la TB restait inutilisé en raison du manque de personnel qualifié. Le manque de financement menace également les progrès futurs. À titre d’exemple, les recherches sur la TB pharmacorésistante que MSF et le Fonds mondial soutenaient en Biélorussie ont récemment été interrompues en raison du désengagement des États-Unis envers le Fonds mondial.
Dans les pays où il est endémique, le paludisme est la principale cause de mortalité chez les enfants de moins de cinq ans. La distribution de moustiquaires imprégnées d’insecticide, l’administration préventive de médicaments antipaludiques aux jeunes enfants et le déploiement de nouveaux vaccins contre le paludisme peuvent tous réduire les infections et protéger des vies.
Les lacunes actuelles en matière de prévention, de diagnostic et de traitement du paludisme ont un coût humain immense. Nos équipes médicales en République centrafricaine, au Soudan du Sud et en République démocratique du Congo constatent régulièrement que les tests de diagnostic rapide et les médicaments pour le traitement sont souvent indisponibles. Les établissements de santé manquent aussi de personnel, ce qui a de graves conséquences sur la santé, voire la vie des patients et des patients, souvent très jeunes. Un investissement soutenu du Fonds mondial est nécessaire de toute urgence.

Le Canada doit agir
Le Canada est l’un des pays donateurs fondamentaux du Fonds mondial. Au fil des ans, il a apporté des contributions importantes. Lors de la dernière reconstitution des ressources, en 2022, le Canada a fait preuve d’un véritable leadership en répondant aux appels de la société civile et en augmentant sa contribution de 30 %.
Alors que le Canada s’apprête à annoncer son soutien au Fonds mondial pour les années à venir, nous l’exhortons à poursuivre dans cette voie. Le Canada doit continuer à accorder la priorité à un soutien accru dans la lutte contre ces trois maladies mortelles.
La lutte contre le VIH, la TB et le paludisme est un défi qui exige encore aujourd’hui l’engagement de tous les secteurs, contextes et disciplines. Cette lutte est loin d’être terminée. Au nom des communautés fortement touchées à travers le monde, nous exhortons le Canada à continuer d’apporter son soutien essentiel au Fonds mondial.