Follow up consultation at Rafah Indonesian Field Hospital. Gaza, 2024. © MSF
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Gaza : les ordres d’évacuation et les déplacements forcés compromettent la continuité des soins

La guerre à Gaza a déplacé quelque 1,5 million de personnes à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza. Au cours des quatre derniers mois, la plupart des gens déplacés à Rafah l’ont été à plusieurs reprises, emportant chaque fois avec eux le peu de biens qui leur restaient.

Dans la ville de Rafah et ses environs, des tentes en plastique ont été érigées sur tous les terrains disponibles, dans les rues et sur les terrains vagues. Aujourd’hui, il n’y a plus d’espace : les voitures peuvent à peine circuler dans les rues surpeuplées, et même y marcher peut s’avérer difficile. Les personnes qui s’abritent dans la zone ont été soumises à des ordres d’évacuation répétés et à des déplacements forcés de la part de l’armée israélienne. Aujourd’hui, elles sont privées des biens essentiels comme l’eau, la nourriture et un abri.

Au cours de la semaine écoulée, les attaques sur Rafah se sont intensifiées et les gens ont commencé à fuir vers le nord, en direction de la zone médiane de Gaza. Au même moment, les ordres d’évacuation et les attaques contre l’hôpital Nasser, dans la ville méridionale de Khan Younis, ont contraint les patients et les patientes en cours de traitement à quitter l’hôpital. Il n’y a aucun endroit sûr à Gaza; les gens n’ont nulle part où aller.

Les traumatismes et les brûlures exigent un traitement à long terme

À l’hôpital de campagne indonésien de Rafah, les équipes de MSF prennent en soin des personnes souffrant de traumatismes et de brûlures liés à la guerre qui exigent des soins en traumatologie continus et soutenus.

« La plupart des individus blessés ont besoin d’un changement de pansement au moins deux fois par semaine, ainsi que d’antibiotiques, d’analgésiques et de soins médicaux constants », explique Guillemette Thomas, coordonnatrice médicale de MSF. « Si la blessure est grave, ils ont également besoin de physiothérapie pour éviter de perdre la fonctionnalité du membre blessé. »

La plupart des patientes et des patients sont hébergés dans des tentes ou des bâtiments publics transformés en abris, où leurs conditions de vie désastreuses rendent presque impossible le nettoyage des plaies ouvertes, ce qui entraîne des infections. Ce risque élevé d’infection est l’un des principaux problèmes auxquels sont confrontées les personnes blessées à Rafah. Sans traitement médical approprié, elles peuvent se propager jusqu’aux os, causant beaucoup de douleur, et pouvant même entraîner le décès.

Depuis la mi-décembre 2023, les équipes de MSF de l’hôpital de campagne indonésien de Rafah soutiennent les services postopératoires, hospitaliers et ambulatoires. Elles y pansent entre autres des plaies, offrent des services de physiothérapie, et réalisent de petites interventions chirurgicales. Jusqu’à présent, elles ont assuré plus de 5 800 consultations et admis plus de 200 personnes pour traitement. Dans le service ambulatoire, environ 60 % des individus vus par les équipes de MSF souffrent de traumatismes; les 40 % restants présentent des brûlures liées à la guerre. Plus de 40 % des patients et patientes du service ambulatoire sont des enfants.

La réponse médicale à Gaza ne fait qu’effleurer la surface des besoins écrasants en matière de soins médicaux. Les responsables locaux de la santé rapportent que depuis octobre 2023, près de 70 000 Palestiniennes et Palestiniens ont été blessés.

Une catastrophe humanitaire en perspective avec l’escalade des attaques à Rafah

La semaine dernière, les autorités israéliennes ont fait part de leur intention d’évacuer Rafah et de lancer une offensive terrestre dans la région. Les attaques se sont intensifiées et les personnes réfugiées dans l’extrême sud de Gaza craignent pour leur vie.

Pour les gens nécessitant des soins en traumatologie ou pour des brûlures, un autre déplacement forcé pourrait entraîner de graves complications de santé, voire la mort.

« Dans d’autres sites de Gaza, nous avons constaté que lorsque les hôpitaux sont évacués, les patientes et les patients partent à pied, en fauteuil roulant, ou même allongés dans des lits d’hôpitaux », explique Guillemette Thomas. « Cela peut s’avérer extrêmement dangereux. Lorsqu’une personne souffrant d’une fracture grave de la jambe commence à marcher, cela compromet sa possibilité de retrouver sa mobilité et peut avoir des conséquences mortelles. »

Depuis le début de la guerre, les équipes médicales de MSF, les patientes et les patients ont dû évacuer neuf établissements de santé à Gaza. Cela, après avoir essuyé des tirs de chars, d’artillerie, d’avions de chasse, de tireurs embusqués et de troupes au sol, ou après avoir fait l’objet d’un ordre d’évacuation. Plusieurs ont été arrêtés, maltraités et tués.

L’intensité des bombardements israéliens, des combats et des tirs d’artillerie sur Gaza a rendu presque impossibles la fourniture d’aide médicale et l’augmentation de l’assistance humanitaire essentielle. Les équipes de MSF sont extrêmement inquiètes de l’escalade de la violence à Rafah et de l’évacuation imminente de la zone où des millions de personnes sont réfugiées. Parmi elles se trouvent des individus blessés ou malades, des personnes âgées ou des gens à mobilité réduite.

« Les gens ont tout perdu : leurs maisons, leurs proches, leurs biens essentiels et leur sécurité. Et maintenant, ils survivent à peine, contraints de s’installer dans des tentes en plastique boueuses ou sur le sol des hôpitaux et des écoles, privés de tout », explique Lisa Macheiner, responsable du projet de MSF. « Rafah et l’ensemble de Gaza ont besoin d’une réponse humanitaire sûre à une échelle beaucoup plus grande, ce qui n’est possible qu’avec un cessez-le-feu durable et immédiat. »

Les équipes de MSF continuent de fournir des soins médicaux dans quatre hôpitaux à Rafah, une clinique et deux structures de santé, ainsi que dans un hôpital de la zone médiane de Gaza. Cependant, sans l’arrêt des bombardements incessants et des déplacements forcés, l’assistance humanitaire restera presque impossible. Nous réitérons notre appel à un cessez-le-feu immédiat et durable. Il s’agit là du seul moyen de mettre fin à la catastrophe humanitaire dont nous sommes actuellement témoins à Gaza.