Dans la nuit du 20 au 21 février 2024, les forces israéliennes ont mené une opération à Al-Mawasi, Khan Younis, à Gaza. Un abri accueillant le personnel de MSF et leurs familles a été bombardé. Deux membres de la famille de nos collègues ont été tués et six personnes ont été blessées. © Mohammed Abed
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Gaza : dans un contexte de bombardements incessants, les attaques contre le personnel humanitaire rendent l’assistance essentielle quasi impossible

Il y a un mois, la Cour internationale de justice (CIJ) a pris des mesures provisoires ordonnant à Israël de prévenir et de punir les actes de génocide, et de veiller à ce que les services de base et l’assistance parviennent dans la bande de Gaza. La situation humanitaire des habitants et des habitantes de Gaza pris au piège reste toutefois catastrophique. Selon les autorités sanitaires locales, le nombre de personnes tuées à Gaza s’élève à 30 000, alors qu’aucun signe n’indique que les forces israéliennes tentent de limiter les pertes en vies civiles ou d’alléger les souffrances des individus.

Le renforcement du blocus de Gaza par Israël entrave l’entrée des approvisionnements essentiels dans l’enclave. L’acheminement de l’assistance à l’intérieur de l’enclave est par ailleurs quasiment impossible en raison du mépris total d’Israël pour la protection et la sécurité des organisations et du personnel médical et humanitaire. Cette réalité prive les gens d’une assistance essentielle et fait de la réponse humanitaire à Gaza une simple illusion.

« L’absence totale d’espace humanitaire et le manque d’approvisionnement dont nous sommes témoins à Gaza sont vraiment horribles. Si les gens ne sont pas tués par les bombes, ils souffrent de privation de nourriture et d’eau et meurent par manque de soins médicaux. » – Lisa Macheiner, coordonnatrice de projet de MSF à Gaza.

Les membres du personnel médical et humanitaire risquent leur vie

Aucun endroit n’est sûr à Gaza, ni pour les personnes civiles, ni pour ceux et celles qui tentent de leur apporter une assistance essentielle. Le mépris flagrant et total d’Israël pour la protection des établissements médicaux ou du personnel humanitaire de Gaza a fait de la fourniture de soins et d’assistance essentielle une tâche presque impossible.

Au cours des cinq derniers mois, les installations médicales et les établissements ont fait l’objet d’ordres d’évacuation et ont été attaqués, assiégés et perquisitionnés à plusieurs reprises. Le personnel médical et les gens à qui ils apportent des soins ont été arrêtés, maltraités et tués. Parmi eux, cinq membres du personnel de Médecins Sans Frontières (MSF) ont perdu la vie. Plusieurs membres des familles du personnel de MSF ont également été tués.

L’hôpital Nasser, le plus grand hôpital du sud de Gaza, a été assiégé pendant des semaines, ce qui constitue l’un des derniers exemples de ciblage impitoyable des établissements de santé. Après qu’un obus a frappé le service d’orthopédie, tuant et blessant plusieurs personnes, les membres du personnel de MSF ont été contraints de fuir, laissant derrière des patients et des patientes. Alors qu’il tentait de quitter l’hôpital, un membre du personnel de MSF a été détenu à un poste de contrôle par les forces israéliennes. Nous réitérons notre appel aux autorités israéliennes pour qu’elles partagent les informations sur l’endroit où il se trouve et pour qu’elles protègent son bien-être et sa dignité.

Le personnel médical resté à l’intérieur de l’hôpital décrit une situation effroyable, où les gens blessés ou malades sont bloqués avec peu de nourriture, sans électricité ni eau courante.

« Chaque soir, je dis au revoir à mes collègues palestiniens. Chaque jour, j’ai peur de ne pas les voir à la réunion du matin », raconte Lisa Macheiner. « Chaque jour, j’ai l’impression que nous manquons de plus en plus d’options pour soigner les personnes blessées, pour obtenir les fournitures médicales ou pour fournir l’eau dont les gens ont désespérément besoin. »

Le 20 février, en fin de soirée, un char israélien a bombardé un abri de MSF à Al-Mawasi, tuant deux membres de la famille d’un employé de MSF et en blessant sept autres. Les forces israéliennes avaient été clairement informées de l’emplacement précis de l’abri, ce qui montre bien que nulle part dans la bande de Gaza il n’y a de sécurité, et que les mécanismes de déconfliction ne sont pas fiables.

Restrictions et manque de protection pour les convois d’assistance

Au nord comme au sud, les membres du personnel humanitaire n’ont aucune garantie de sécurité pour mener à bien leur travail. Les convois d’assistance sont bloqués et gravement retardés aux points de contrôle, ce qui les empêche d’atteindre les personnes qui en ont désespérément besoin.

Depuis des mois, le nord de la bande de Gaza est largement coupé de l’aide. Les gens pris au piège n’ont d’autre choix que d’essayer de survivre avec de minuscules quantités de nourriture, d’eau et d’approvisionnements médicaux. Des quartiers entiers ont été bombardés et détruits. Bien que MSF ait une vision limitée de la situation humanitaire et sanitaire globale dans le nord, quelques membres de notre personnel y restent piégés.

« La situation dans le nord de la bande de Gaza est catastrophique et ne fait qu’empirer », déclare une infirmière de MSF dans le nord.

« Il n’y a pas d’hôpitaux pour les traitements de base et les pharmacies sont vides de médicaments. Mes enfants sont malades depuis des semaines à cause du manque d’eau potable et de nourriture, et leur état empire. »

Selon les Nations Unies, entre le 1er janvier et le 12 février, la moitié des affectations prévues par les partenaires humanitaires pour acheminer l’assistance et entreprendre des évaluations dans les zones situées au nord de Wadi Gaza se sont vu refuser l’accès par les autorités israéliennes. Le Programme alimentaire mondial (PAM) est la dernière organisation humanitaire en date à avoir été contrainte d’interrompre l’aide essentielle apportée au nord de la bande de Gaza, estimant que les conditions ne permettent pas une distribution alimentaire en toute sécurité.

« Les gens ne peuvent plus endurer de souffrances »

Dans le cadre du siège complet et inhumain de Gaza par Israël, la rupture des approvisionnements d’assistance a plongé quelque deux millions de personnes dans le désespoir. Le nombre de camions entrant dans l’enclave est passé d’une moyenne de 300 à 500 camions par jour avant la guerre, à une moyenne de seulement 100 camions par jour entre le 21 octobre et le 23 février. Le 17 février, seuls quatre camions ont été autorisés à entrer dans Gaza.

La longueur et l’imprévisibilité des procédures administratives pour l’acheminement de l’assistance à Gaza entravent l’accès à l’équipement de survie et à l’approvisionnement des établissements, de soins de santé. Il faut parfois jusqu’à un mois pour que les approvisionnements entrent dans la bande de Gaza, car chaque boîte de chaque camion est soumise à un contrôle. Si les autorités israéliennes rejettent ne serait-ce qu’un seul article au cours du processus de contrôle, la totalité de la cargaison doit être renvoyée en Égypte. En l’absence d’une liste officielle d’articles soumis à des restrictions, MSF s’est toujours vu refuser l’importation de générateurs électriques, de purificateurs d’eau, de panneaux solaires et de divers équipements médicaux.

« Chaque seconde où les approvisionnements sont retardés, et chaque fois qu’un article est bloqué, des souffrances plus dévastatrices et inacceptables sont causées », déclare Lisa Macheiner. « Pour de nombreuses personnes, ces approvisionnements font la différence entre la vie et la mort. »

À Rafah, dans le sud de Gaza, quelque 1,5 million de personnes déplacées de force vivent dans des conditions horribles. Elles manquent des éléments de base nécessaires à leur survie. Les femmes sont obligées d’utiliser des bouts de vêtements comme serviettes hygiéniques, et les gens vivent dans des tentes boueuses sans matelas ni vêtements chauds.

« Les personnes souffrant de maladies chroniques comme le cancer, le diabète ou l’épilepsie n’ont pratiquement aucun accès aux médicaments », explique le Dr Hossam Altalma, un médecin de MSF qui travaille dans la clinique d’Al-Shaboura. « Les gens sont désespérés et prêts à payer n’importe quel prix pour obtenir des médicaments. »

Les équipes de MSF continuent, dans la mesure du possible, de fournir des soins humanitaires et médicaux à Gaza, dont la chirurgie, les soins postopératoires, les soins de maternité, le soutien en santé mentale et la distribution d’eau. Mais tout cela n’est qu’une goutte d’eau dans l’océan des besoins. MSF demande une fois de plus un cessez-le-feu immédiat et durable, des garanties de sécurité significatives pour le personnel humanitaire et la fin du blocus inhumain, afin de s’assurer que les gens reçoivent une assistance essentielle.

« Les gens de Gaza ne peuvent plus endurer de souffrances », poursuit Lisa Macheiner. « Ils ont perdu tout sentiment de sécurité, qu’il s’agisse de la menace constante d’être tués par des bombes, la nuit, ou de l’incertitude de trouver leur prochain repas ou leur prochain verre d’eau. »