Une psychologue et une interprète de MSF partent rencontrer un patient ou une patiente dans le village de Burin. Certaines personnes vivant dans des villages reculés ont peur de quitter leur maison pour se rendre dans une clinique de MSF, à cause des attaques des colons.
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L’augmentation de l’assistance sans cessez-le-feu n’est pas une solution, selon le responsable des opérations humanitaires à Gaza

Le seul moyen de sauver réellement des vies à Gaza est de mettre fin à cette violence extrême et au châtiment collectif du peuple palestinien

Jacob Burns
responsable de projet de MSF à Gaza

J’écris ces lignes dans l’obscurité de l’aube à Al-Mawasi, la bande côtière qu’Israël a désignée comme zone humanitaire. Chaque minute, j’entends des bombes qui frappent Khan Younis, à trois kilomètres de là, dans le sud de la bande de Gaza. La maison où je loge est secouée par intermittence avec une puissance écrasante. 

En début de semaine, une équipe de collègues de MSF s’est rendue à l’hôpital Nasser, où nous fournissons des soins d’urgence et des traitements chirurgicaux, notamment aux patients et aux patientes souffrant de lésions traumatiques et de brûlures graves. L’armée israélienne nous avait assuré que l’hôpital ne serait pas pris pour cible. Pourtant, alors que nous étions là, des tracts sont soudainement tombés du ciel, ordonnant l’évacuation immédiate des bâtiments proches de l’hôpital, ainsi que de la route que nous utilisons pour entrer et sortir de l’établissement. L’unité de l’armée israélienne censée coordonner l’assistance humanitaire n’a été informée que plusieurs heures plus tard de l’ordre d’évacuation donné par les troupes de combat.

Des tracts sont soudainement tombés du ciel, ordonnant l’évacuation immédiate des bâtiments proches de l’hôpital, ainsi que de la route que nous empruntons pour entrer et sortir de l’établissement.

Il est impossible de fournir en toute sécurité l’assistance médicale dont les gens ont désespérément besoin dans de telles conditions. Les hôpitaux et le personnel de la santé ne devraient jamais être une cible.

La population de Gaza ayant été contrainte de fuir pour se mettre à l’abri, une bonne partie se retrouve sans abri et vit dans des conditions épouvantables. Rafah, la ville la plus méridionale de la bande de Gaza, abrite aujourd’hui au moins 1,2 million de personnes, alors qu’elle n’en comptait que 300 000 avant la guerre. Des tentes improvisées à partir de bâches en plastique bordent les rues, et les écoles sont pleines à craquer de personnes à la recherche d’un endroit sûr où dormir. Comme il n’y a que peu ou pas d’essence, la terre est dépouillée de sa verdure pour alimenter les feux destinés à réchauffer les gens contre le froid hivernal. L’eau potable et les toilettes font défaut, alors que les maladies se propagent rapidement en raison de la promiscuité et du manque de soins de santé. Quant aux prix des denrées alimentaires, ils ont été multipliés par six ou sept par rapport à leur niveau d’avant-guerre. 

Une famille palestinienne déplacée est réfugiée dans une tente dans le sud de Gaza. Palestine 2023 © Mohammed Abed

Malgré ces mauvaises conditions de vie dans le sud, un flot continu de voitures remplies de gens, d’effets personnels et de matelas attachés aux toits a descendu la route côtière à la suite de l’ordre de l’armée israélienne d’évacuer certaines parties du centre de Gaza. Il s’agit de personnes déplacées depuis peu 100 000 déjà, selon les Nations unies, a-t-on appris lors de notre réunion matinale de coordination humanitaire. Elles devront essayer de trouver un endroit où vivre dans un territoire où les ressources sont si rares que les camions d’assistance sont pillés tous les jours. 

Mais la raison pour laquelle les gens continuent à se diriger vers le sud est évidente : mes collègues de MSF à l’hôpital Al-Aqsa dans la zone intermédiaire ont reçu 209 personnes blessées et 131 mortes à la suite du bombardement israélien des camps pour personnes réfugiées Al-Maghazi et Al-Bureij dans la soirée du 24 décembre. Les images des corps empilés dans des sacs mortuaires blancs, dans la cour de l’hôpital, ont tourné en boucle dans les médias. Et puis les bombardements sur Khan Younis ont repris. 

Nous voulons faire plus pour apporter de l’assistance à la population de Gaza, mais les bombardements et les combats incessants nous obligent à nous retrancher de plus en plus dans la bande de Gaza. Les conditions ici sont désastreuses. Cependant, elles sont loin d’être aussi terribles que dans les autres zones du nord de la bande de Gaza qui sont coupées de presque toute assistance depuis des mois.

Le seul moyen de sauver réellement des vies ici est de mettre fin à cette violence extrême et au châtiment collectif du peuple palestinien, et ce dès maintenant.