Chaque jour les personnes exilées présentes à la frontière franco-britannique se heurtent à la réponse sécuritaire et aux politiques répressives mises en œuvre par la France et le Royaume-Uni. France, 2023. © Mohammad Ghannam
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Le choix de la violence : les politiques de l’UE privent les personnes réfugiées et migrantes de sécurité et de protection, tout en encourageant une brutalité systématique

Médecins Sans Frontières (MSF) publie aujourd’hui un rapport détaillant les conséquences pénibles de la crise provoquée par la politique de l’Europe à ses frontières et au-delà. Intitulé Mort, détresse et désespoir : le coût humain des politiques migratoires de l’UE (disponible en anglais seulement), le rapport s’appuie sur des témoignages du personnel médical, des patientes et des patients, ainsi que sur plus de 7 900 consultations médicales d’urgence et plus de 8 400 individus secourus en mer en 2023. Il met en lumière l’adoption choquante de tactiques violentes, approuvées par les politiques de l’Union européenne (UE) et les États membres, et encouragées par une rhétorique politique de plus en plus déshumanisante.

Depuis la « crise » migratoire de 2015, MSF n’a cessé d’appeler l’UE et ses États membres à assumer leurs responsabilités pour répondre aux besoins urgents d’assistance et de protection des personnes migrantes et réfugiées. Loin de s’améliorer, une normalisation de la violence s’est plutôt installée. Des investissements importants ont été accordés par des institutions de l’UE dans des pays tiers tels que le Niger et la Libye, où les gens sont souvent bloqués ou renvoyés de force, et confrontés à des traitements inhumains.

Les garde-côtes libyens, qui interceptent régulièrement des personnes en mer et les emmènent dans des centres de détention en Libye, sont un exemple de cet investissement. Les équipes de MSF ont travaillé dans certains de ces centres de détention, de 2016 à 2023. Elles y ont observé et documenté des conditions de vie déplorables, permettant la propagation de maladies transmissibles. En décembre 2023, MSF publiait un rapport tirant la sonnette d’alarme sur des témoignages faisant état de passages à tabac, de traite d’êtres humains, d’agressions sexuelles et de torture. Entre janvier 2022 et juillet 2023, les équipes médicales de MSF présentes dans les centres ont diagnostiqué et traité 58 cas de tuberculose. Dans l’un des cas, elles ont plaidé pour la libération d’un adulte tuberculeux souffrant de malnutrition sévère et privé des soins appropriés pendant sa détention.

Des schémas similaires de violence externalisée depuis l’UE et de refus d’accès aux soins de santé de base et à la sécurité pour les personnes migrantes et réfugiées sont observés au Niger, en Serbie et en Tunisie. Toutefois, cette violence est également manifeste et bien documentée à l’intérieur des frontières de l’UE.

J’ai dit au médecin « Je veux rester ici, je demande l’asile », mais il m’a dit : « Honnêtement, je ne sais pas ce qui va vous arriver. » « Les gardes-frontières sont alors venus à l’hôpital et m’ont enfermé dans une prison pendant trois heures. Après cela, je suis retourné à la frontière », explique un patient de MSF en Biélorussie.

Dans des pays comme la Pologne, la Grèce, la Bulgarie et la Hongrie, les équipes de Médecins Sans Frontières (MSF) ont documenté la pratique des refoulements répétés. Plus de 2 000 kilomètres de murs frontaliers et de clôtures ont été conçus pour empêcher les gens d’entrer dans l’UE. Souvent équipés de barbelés et surveillés par des caméras et des drones, ces structures, architecture physique des politiques de dissuasion de l’UE, causent des blessures. Ces blessures sont traitées par les équipes médicales de MSF qui sont alors témoins des conséquences tragiques de ces dispositifs. De telles situations sont observées aux frontières entre la Pologne et la Biélorussie, ainsi qu’entre la Serbie et la Hongrie.

Cette architecture est renforcée par diverses autorités chargées de l’application de la loi. Leurs actions violentes à l’encontre des individus en quête de sécurité ont causé à plusieurs des blessures physiques et des troubles de stress post-traumatique. Il est important de souligner que bon nombre des personnes cherchant refuge en Europe ont déjà été victimes de violences avant même d’arriver sur le continent.

Entre janvier et août 2023, parmi les 57 personnes à qui MSF a prêté assistance à Palerme, en Italie, 61 % ont déclaré avoir été torturés en Libye, et 58 % ont subi des actes de torture dans des centres de détention. Le syndrome de stress post-traumatique était largement répandu parmi ces individus, témoignant de la violence et de la souffrance endurées avant leur arrivée en Europe.

En plus de fermer les frontières terrestres de l’UE, les États membres se sont également dérobés à leur devoir d’assistance en mer envers les personnes en danger. L’externalisation des opérations de sauvetage à des garde-côtes non européens et la cessation des capacités européennes de recherche et de sauvetage en Méditerranée ont transformé les naufrages et les décès évitables en tragédies presque quotidiennes.

« La décision de favoriser des politiques de violence et de privation à l’égard des personnes réfugiées et migrantes, au lieu de rechercher des solutions politiques humaines, devrait heurter la conscience collective. Au lieu de cela, nous assistons à une amplification et même une célébration de ces politiques inhumaines par les dirigeants et les dirigeantes de l’UE, dans des cris de ralliement politiques. Cela va à l’encontre des valeurs fondamentales que l’UE prétend défendre. »

Julien Buha Collette, chef d’équipe opérationnelle de MSF

L’UE et ses États membres doivent changer de cap de toute urgence. Il est essentiel d’adopter des solutions concrètes face à la situation actuelle, plutôt que de considérer les personnes migrantes et réfugiées uniquement à travers le prisme sécuritaire, contribuant ainsi à leur déshumanisation. Un changement urgent et fondamental est nécessaire pour s’attaquer aux causes sous-jacentes des déplacements de population. Ces derniers ont trop longtemps entraîné des pertes de vie insensées, des blessures et des traumatismes durables chez ceux et celles qui cherchent sécurité et protection aux frontières de l’Union européenne.