Scène de destruction à Gaza. Gaza, 2023. © MSF
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Gaza : « La situation est catastrophique »

Témoignage de Léo Cans, directeur de projet MSF pour la Palestine (basé à Jérusalem)

La situation à Gaza est catastrophique, les hôpitaux sont débordés. Il y a un nombre extrêmement important de personnes blessées, un afflux continuel dans tous les hôpitaux de la bande de Gaza. Les équipes médicales sont bien sûr épuisées, elles travaillent 24 h sur 24 pour soigner des individus blessés. Les bombardements sont très intenses. Des immeubles entiers ont été détruits, dont un, la nuit dernière, juste à côté du bureau de MSF. Les gens reçoivent parfois un texto au milieu de la nuit pour leur dire d’évacuer leur maison, c’est arrivé à certains membres de notre équipe sur place. Il faut alors réveiller ses enfants en pleine nuit, quitter sa maison sans avoir le temps de prendre quoi que ce soit, et se mettre à l’abri. Mais bien souvent, les gens ne savent même pas où aller, et ils se retrouvent en pleine nuit, dehors, sous une pluie de bombes. Où peuvent-ils se mettre en sécurité?

Les dernières estimations indiquent qu’il y aurait environ 200 000 personnes déplacées, principalement des gens qui ont reçu ces textos et dont les maisons ont été détruites. Ils ont alors besoin de tout : de l’eau, un endroit pour se doucher, de la nourriture, un matelas pour dormir… bref, des besoins de base et très divers. Le gouvernement israélien a en outre décidé de couper complètement l’approvisionnement en eau et en électricité, et le réseau téléphonique a été gravement endommagé. Ce matin même, nous n’avons pas pu joindre nos équipes sur place par téléphone. Forcément, tout cela complique énormément la coordination et l’accès aux personnes blessées.

À Gaza, les gens sont aujourd’hui terrifiés. Je parle très régulièrement avec nos collègues sur place. Ce sont des personnes très endurcies, parce qu’elles ont malheureusement dû traverser beaucoup de conflits, mais la situation actuelle les angoisse terriblement. Ils disent que cette fois-ci c’est différent, ils ne voient pas d’issue, se demandent comment tout cela va se terminer. Ils vivent une détresse mentale terrible. Il n’y a pas beaucoup de mots pour décrire ce que les gens vivent.

Du côté de MSF, nous nous inquiétons de voir que les structures médicales ne sont pas épargnées. Un des hôpitaux que nous soutenons a été touché par une frappe aérienne et endommagé. Une autre frappe aérienne a aussi détruit une ambulance alors qu’elle déposait des gens blessés juste devant l’hôpital où nous travaillons. L’équipe de MSF, qui était en train d’opérer un patient, a dû quitter l’hôpital en catastrophe. Nous le répétons, les structures médicales doivent être respectées, ce n’est pas un élément qui devrait avoir à être négocié.

Pour l’instant, MSF a fait don de médicaments et de fournitures médicales essentielles aux principaux hôpitaux de la bande de Gaza. Grâce à nos équipes qui peuvent aider à la prise en charge chirurgicale des personnes blessées, nous soutenons aussi deux autres hôpitaux. Il y a aussi tous les suivis postopératoires qui doivent être réalisés dans les jours qui suivent l’intervention, car la plupart des personnes que nous recevons auront besoin de plusieurs interventions chirurgicales pour pouvoir être soignées. Pour les autres individus blessés, nous avons aussi mis en place une clinique en centre-ville de Gaza que nous allons tenter de maintenir ouverte, si les conditions nous le permettent.

Le 9 octobre, nous avons reçu un jeune garçon de 13 ans dont le corps était presque entièrement brûlé. Une bombe était tombée juste à côté de sa maison et un feu s’est déclenché. Dans les conditions qui sévissent, la prise en charge de ce type de cas est médicalement complexe, et quand il s’agit en plus d’enfants, c’est très difficile à supporter.

L’intensité de la violence et des bombardements est choquante, sans parler du nombre de morts déjà dénombré. La déclaration de guerre ne doit, en aucun cas, donner lieu à une punition collective envers la population de Gaza. La décision de couper l’eau, l’électricité, l’approvisionnement en essence est inacceptable. Ce sont là des biens de base essentiels dont la restriction condamne toute la communauté.

À propos de MSF en Palestine 

Ces informations concernant notre intervention étaient exactes au 9 novembre 2023. 

Les activités de Médecins Sans Frontières (MSF) à Gaza sont actuellement très limitées. Nous éprouvons d’énormes difficultés à acheminer l’assistance et à fournir des soins de santé, en raison notamment de l’insécurité et de l’imprévisibilité des bombardements. Alors qu’une partie de nos collègues se sont dirigés vers le sud à la suite de l’ordre d’évacuation inacceptable du nord de Gaza, d’autres y sont restés et continuent de soutenir les activités d’urgence à l’hôpital Al-Shifa ainsi qu’à l’hôpital Al-Nasser, dans le sud. À l’hôpital Al-Awda, une équipe de sept personnes travaille également dans le service pour patients et patientes hospitalisées de MSF. 

Nous soutenons les autorités sanitaires locales par des dons provenant de notre réserve de fournitures médicales. En raison de l’afflux massif et ininterrompu de personnes blessées depuis le début du conflit qui sévit actuellement, l’hôpital Al-Shifa, la principale structure chirurgicale de la bande de Gaza, était au bord d’une pénurie totale de médicaments essentiels. En réponse à cette situation, nous sommes parvenus à y faire un don important de fournitures, dont des médicaments et de l’équipement médical. 

Notre personnel travaille d’arrache-pied à la préparation des fournitures médicales et humanitaires qui seront envoyées à Gaza dès que l’accès sera garanti et ouvert. Nous enverrons également des équipes d’urgence là et quand se sera possible. 

MSF s’engage à soutenir les personnes affectées par les bombardements israéliens et les attaques aveugles sur Gaza. Nous sommes solidaires du personnel de la santé, des patients et des patientes de Gaza. Nous souhaitons accéder aux personnes ayant besoin de soins médicaux et offrir des services humanitaires essentiels, mais pour ce faire, nous avons besoin de garanties de sécurité élémentaires. 

La Cisjordanie  

Les activités médicales et humanitaires de MSF en Cisjordanie ont été affectées par l’escalade de la violence et le renforcement des restrictions de circulation qui ont limité l’accès aux services essentiels, y compris aux soins de santé. Pour s’adapter à la situation, les équipes médicales de Médecins Sans Frontières (MSF) proposent aux personnes déplacées comme aux résidents et résidentes des consultations téléphoniques. Elles orientent aussi les gens vers des traitements médicaux, des soins de santé mentale et des services sociaux. Les équipes de santé mentale de MSF fournissent également des services d’assistance psychologique, de conseil et de psychothérapie, la plupart du temps à distance. Dans la ville de Naplouse, en Cisjordanie, les équipes de MSF continuent de fournir des soins de santé mentale.  

MSF a fait don de fournitures médicales, dont des trousses chirurgicales, à l’hôpital Ahli d’Hébron, et de trousses de premiers secours aux responsables communautaires de Beit Ummar, Al-Rashaydeh, et au centre de soins d’urgence d’Um Al-Khair. MSF a également apporté son soutien, notamment sous forme de formations, au personnel de l’hôpital Al Mohtaseb, situé dans la vieille ville d’Hébron. MSF continue d’évaluer la situation dans les hôpitaux de Cisjordanie.