République Démocratique du Congo : MSF a lancé deux opérations d’urgence dans le territoire de Fizi, au Sud-Kivu
Les épidémies de paludisme et de choléra sont alimentées par le conflit, les déplacements et les réductions de financement.
Face aux besoins criants des communautés récemment déplacées par les combats dans le territoire de Fizi, au Sud-Kivu, Médecins Sans Frontières (MSF) a lancé deux opérations d’urgence conjointes contre le paludisme et le choléra. La situation des soins de santé en République démocratique du Congo (RDC) s’est également aggravée par le départ de plusieurs organisations, à la suite des coupes dans le financement international à l’assistance humanitaire.
Entre août et novembre, les équipes de MSF à Baraka et dans le village de Lweba ont soigné 19 000 personnes atteintes de paludisme (ou malaria). Et en l’espace de huit semaines, entre septembre et octobre, nous avons également traité 652 personnes atteintes du choléra.
Recrudescence du paludisme
C’est la saison des pluies. Dans la ville de Baraka et dans les villages environnants, les moustiques prolifèrent. Le paludisme a repris du terrain, touchant adultes et enfants.
Aline est mère de cinq enfants. Elle vit dans un camp de fortune à Mulongwe, au sud de Fizi. À l’hôpital de Baraka, sa fille Adelphine lutte contre le paludisme. En sueur, elle est prise de fièvre et de frissons. Leur quotidien est rude et incertain.
« Nous n’avons pas assez à manger, car nous n’avons plus accès à nos champs à cause du conflit armé », explique-t-elle. « La terre, notre seule ressource, nous a été arrachée. »
« Nous voyons des personnes arriver à l’hôpital de Baraka avec une forme de paludisme déjà grave, car ils ont mis beaucoup trop de temps à venir jusqu’à nous. Récemment, un enfant de trois ans est arrivé à pied avec sa grand-mère à l’hôpital de Lweba. Il avait un paludisme grave et était en état d’anémie, car il avait dû marcher 20 kilomètres depuis Bibokoboko. »
– Maria Santo, responsable des activités médicales de MSF à Fizi
MSF soigne les personnes atteintes de la maladie à l’hôpital de Baraka. Nous avons aussi mis en place cinq « Points paludisme » pour tester et traiter les gens. Dans la zone de santé de Fizi, la réponse contre le paludisme souffre depuis des années d’un manque de financement. Depuis trois ans, aucune activité de prévention n’a été menée par le ministère de la Santé, et les moustiquaires manquent cruellement.
Les coupes récentes dans l’aide humanitaire internationale aggravent encore la situation. Le programme national de lutte contre le paludisme, qui recevait auparavant des sommes importantes du Fonds mondial, a été considérablement affaibli. Par conséquent, MSF est devenue le principal fournisseur de médicaments antipaludiques dans la région.

MSF lutte pour accéder aux communautés déplacées par la violence
Les dizaines de milliers de personnes déplacées par les combats sont particulièrement exposées à ces épidémies. Depuis plusieurs mois, les affrontements entre l’armée congolaise, alliée aux milices armées Wazalendo, et les Twigwaneho, la branche armée des Banyamulenges, se sont aggravés. Ces combats alimentent un conflit interethnique violent et très ancien dans la région.
Dans les Hauts-Plateaux, sur les hauteurs de Baraka, 57 000 personnes demeurent isolées, encerclées par des groupes armés. L’accès humanitaire est impossible pour le moment.
D’autre part, plus de 20 000 personnes ont fui ces affrontements pour se réfugier à Baraka. Pour elles, l’accès aux soins de santé demeure difficile. Faute de moyens de transport, elles peinent à se rendre dans les centres de santé ou aux Points paludisme. Les groupes armés ont érigé de nombreux postes de contrôle, ce qui complique davantage leurs déplacements.
« Je suis très inquiète pour tous ces gens qui ne parviennent pas à atteindre nos soins médicaux. Ils redoutent de passer les postes de contrôle des groupes armés dans la zone », explique Maria Santo, responsable des activités médicales de MSF à Fizi. « Nous voyons des personnes arriver à l’hôpital de Baraka avec une forme de paludisme déjà grave, car ils ont mis beaucoup trop de temps à venir jusqu’à nous. Récemment, un enfant de trois ans est arrivé à pied avec sa grand-mère à l’hôpital de Lweba. Il avait un paludisme grave et était en état d’anémie, car il avait dû marcher 20 km depuis Bibokoboko. »
C’est dans ce contexte que MSF s’apprête à installer cinq nouveaux Points paludisme, afin d’apporter des soins à ces communautés.
« Le problème, c’est l’eau. De nombreuses personnes s’approvisionnent directement dans le lac ou les rivières, faute d’alternatives. Les infrastructures sanitaires sont largement insuffisantes, et les gestes d’hygiène élémentaires, comme le lavage correct des mains, sont encore méconnus. »
– Christian Rajabu, médecin au centre de traitement du choléra de Baraka, soutenu par MSF
MSF est confrontée à de nombreux défis logistiques majeurs. Pendant la saison des pluies, de longs tronçons de la route longeant le lac Tanganyika sont sous les eaux, la rendant impraticable entre Bukavu et Uvira. Pour MSF, il est actuellement impossible d’atteindre certaines zones situées au-delà de la ville de Fizi, où se trouvent la plupart des personnes déplacées.
De plus, les lignes de front instables et dangereuses rendent encore plus difficile l’acheminement des médicaments et des fournitures. Comme MSF ne peut pas se déplacer directement des zones contrôlées par le M23 vers celles contrôlées par le gouvernement, les fournitures ne peuvent pas être transportées directement de Bukavu à Baraka.
L’approvisionnement doit faire un détour long et compliqué par le Rwanda, la Tanzanie et le Burundi. Ce trajet prend plusieurs jours et ralentit considérablement la livraison des médicaments, dont les antipaludéens, et des fournitures essentielles comme les tests de malaria et les trousses d’hygiène pour les gens atteints du choléra.

Une épidémie de choléra désormais sous contrôle
« Alors que j’étais au lac pour puiser de l’eau, j’ai retrouvé mon fils de deux ans en train de vomir et avec de la diarrhée, très affaibli », raconte Bokumba Fataki, aux côtés de son fils soigné au centre de traitement de Baraka. « J’ai d’abord cru qu’il était malade à cause de quelque chose qu’il avait ramassé par terre et mangé, mais non, c’est le choléra. Dans notre communauté, nous buvons principalement l’eau du lac. L’eau du robinet est disponible, mais très rare ».
Le sous-investissement dans les infrastructures d’approvisionnement en eau et d’assainissement contribue largement à l’épidémie de choléra.
« Le problème, c’est l’eau », déplore Christian Rajabu, médecin au centre de traitement du choléra de Baraka, soutenu par MSF. « De nombreuses personnes s’approvisionnent directement dans le lac ou les rivières, faute d’alternatives. Les infrastructures sanitaires sont largement insuffisantes, et les gestes d’hygiène élémentaires, comme le lavage correct des mains, sont encore méconnus ».
Afin de freiner la propagation du choléra, MSF a mis en place 31 points de chloration de l’eau dans les quartiers les plus exposés. Nos équipes ont également mené plusieurs activités de sensibilisation auprès des communautés sur les mesures d’hygiène à adopter pour éviter la contamination. Enfin, en collaboration avec les comités locaux responsables de l’eau, MSF a également désinfecté et remis en état 13 pompes manuelles.
En huit semaines d’intervention de MSF, le nombre de cas de choléra a baissé de 55 %, et l’épidémie est désormais contrôlée. Mais à long terme, des investissements urgents dans le domaine de l’eau, soutenus par l’État, sont nécessaires.