La responsable du plaidoyer et une traductrice de MSF se sont rendues dans le village de Kisan, en Cisjordanie, où les violences récentes commises par des colons ont contraint 23 familles à fuir leurs maisons. Palestine, 2025. © MSF
PARTAGEZ

Palestine: risque de nettoyage ethnique en Cisjordanie

MSF appelle les États qui entretiennent des relations étroites avec Israël à exercer une pression significative pour mettre fin au déplacement forcé des Palestiniens et des Palestiniennes.

À travers la Cisjordanie, les Palestiniennes et les Palestiniens sont soumis à des déplacements forcés massifs par l’armée et les colons israéliens. Médecins Sans Frontières (MSF) alerte que cette situation accroît considérablement le risque de nettoyage ethnique dans les territoires occupés, alors que les autorités israéliennes ont récemment appelé à l’annexion de la Cisjordanie. 

Plus que jamais au cours de ses 36 années de prestation de soins médicaux et psychologiques en Palestine, MSF constate à quel point les souffrances causées par l’occupation israélienne se sont normalisées.  

En 2025, les équipes de MSF ont été témoins de politiques et de pratiques manifestement conçues pour expulser des personnes de leurs terres et empêcher toute possibilité de retour.  

MSF appelle les États tiers, en particulier ceux qui ont des liens politiques, militaires ou économiques étroits avec Israël – notamment les États-Unis et les États membres de l’Union européenne – à exercer une pression significative pour mettre fin aux pratiques qui nuisent aux Palestiniennes et aux Palestiniens et les déplacent de force. Nous les appelons également à assurer la fin de l’occupation, illégale au regard du droit international.

« Nous leur avons demandé si nous pouvions récupérer nos affaires et sortir certaines choses des maisons avant qu’ils ne les démolissent, mais ils ont refusé. Ils ont pris nos affaires, les ont écrasées au bulldozer et les ont détruites. »

– Warda*, membre de la communauté d’Hébron

« Ces dernières années, nous avons constaté l’impact de l’intensification de l’usage de la force et du contrôle exercés par les forces israéliennes et les colons sur le peuple palestinien, qui a abouti à un génocide à Gaza, ainsi qu’à une escalade de la répression militaire et de la violence des colons en Cisjordanie », explique Simona Onidi, coordonnatrice de projet de MSF à Jénine et Tulkarem.   

« Ces actions s’inscrivent dans un processus plus large de colonisation, où le risque de nettoyage ethnique – par l’expulsion forcée des communautés palestiniennes – consolidera un changement démographique permanent », ajoute-t-elle.

Les forces israéliennes interdisent aux Palestiniennes et aux Palestiniens d’emprunter la route principale menant à Kisan, ont rapporté à MSF des gens résidants en Cisjordanie. Palestine, 2025. © MSF

Les tactiques de déplacement se multiplient et s’intensifient

Le plan de colonisation E1, récemment approuvé, diviserait complètement la Cisjordanie. Le nord serait séparé du sud, et Jérusalem-Est serait séparée du reste de la Cisjordanie. Ce projet est l’une des tentatives les plus manifestes des autorités israéliennes de détruire toute perspective d’avenir pour les gens de Palestine.

Les opérations militaires ont déplacé des dizaines de milliers de personnes

Depuis le début de l’année, l’opération militaire israélienne Iron Wall (« Mur de fer ») a forcé le déplacement de plus de 40 000 personnes dans le nord de la Cisjordanie, selon l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA, en anglais). Trois camps pour personnes réfugiées ont été violemment pillés et vidés.  

Des habitations et des infrastructures civiles, notamment des écoles et des centres de santé, ont été démolies, augmentant la probabilité que ces déplacements deviennent permanents.  

En réponse à cette situation, MSF a mis sur pied des équipes médicales mobiles dans 42 sites à Tulkarem et à Jénine, notamment dans des cliniques du ministère de la Santé. Nous avons également fourni des articles de première nécessité aux Palestiniennes et aux Palestiniens déplacés.

Une responsable du plaidoyer de MSF observe les ruines d’une maison démolie par les forces israéliennes dans le village de Kisan, en Cisjordanie. Palestine, 2025. © MSF

Les forces israéliennes détruisent des maisons palestiniennes

Entre le 1er janvier 2024 et le 31 mai 2025, 2 825 Palestiniennes et Palestiniens ont été déplacés en raison de la démolition de leurs maisons, selon le Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA, en anglais). Rien qu’en avril et mai 2025, MSF a apporté un soutien matériel et psychologique aux gens de 12 localités du gouvernorat d’Hébron dont les maisons ont été démolies. Au total, 246 personnes ont été déplacées de force, dont au moins 97 enfants. 

Cela ne représente qu’une fraction du nombre de démolitions effectuées en Cisjordanie au cours de la même période.  

« Ce n’est pas la première démolition ou incursion militaire dans le village, mais cette fois-ci, c’était la plus agressive », explique Warda*, membre de la communauté d’Hébron. « Nous leur avons demandé si nous pouvions récupérer nos affaires et sortir certaines choses des maisons avant qu’ils ne les démolissent, mais ils ont refusé. Ils ont pris nos affaires, les ont écrasées au bulldozer et les ont détruites. » 

« Cette maison faisait 250 mètres carrés, c’était la maison de ma famille. Le 14 mai, elle a été démolie sans aucun avertissement. J’ai perdu toutes les économies de ma vie dans cette maison. Maintenant, je n’ai plus rien », raconte Maher Ubayat, un résident du village de Kisan, en Cisjordanie. Palestine, 2025. © MSF

La violence des colons se poursuit en toute impunité

Les attaques des colons israéliens, souvent menées en toute impunité et sous la protection de l’armée, provoquent également une augmentation des déplacements. Depuis début 2023, près de 2 900 Palestiniennes et Palestiniens ont été déplacés en raison de la violence des colons et des restrictions de mouvement qui les empêchent d’accéder aux services essentiels.  

Depuis juin 2025, la plupart des villages de Masafer Yatta sont quotidiennement la cible d’attaques de colons et de perquisitions militaires.  

MSF a mené une évaluation auprès de 197 ménages dans le gouvernorat d’Hébron. Nos équipes ont constaté que les membres des ménages dont au moins une personne avait été exposée à la violence étaient 2,3 fois plus susceptibles de présenter une détresse psychologique sévère. En outre, 28,1 % des familles ont rapporté qu’au moins un de leurs membres a subi de la violence au cours des trois derniers mois. 

« Je passe toutes mes nuits éveillé, à garder mes moutons, m’attendant à une attaque », raconte Maher Ubayat, membre de la communauté Kisan, en Cisjordanie. Palestine, 2025. © MSF

Les restrictions de mouvement accrues entravent l’accès aux soins de santé, à l’école et au travail

Les Palestiniennes et les Palestiniens de Cisjordanie sont également soumis à de nombreuses barrières physiques destinées à rendre leur vie impossible et les chasser de leurs terres. Il s’agit notamment des points de contrôle, qui imposent des restrictions de mouvement et dont le nombre a augmenté. Entre décembre 2024 et février 2025, 36 nouveaux postes de contrôle ont été installés. En outre, les points de contrôle temporaires, qui peuvent apparaître de manière imprévisible, se sont également multipliés. Ils sont passés de 116, entre octobre et décembre 2023, à 370, entre janvier et avril 2025.  

Ces restrictions ont un impact direct sur l’accès aux soins de santé, à l’école, au travail et à d’autres services essentiels. Par conséquent, de nombreuses personnes ayant besoin de soins se tournent vers les cliniques mobiles de MSF plutôt que de tenter de se rendre à l’hôpital, même lorsque des soins spécialisés sont nécessaires.

« Je menais une vie tranquille, mais quand les colons sont arrivés, ils ont tout détruit. Ils m’ont laissé sans rien. Pendant des années, les colons nous ont attaqués avec leurs troupeaux et des pierres. Ils ont menacé de nous couper la tête », raconte Yousef Ubayat, un résident de Kisan, en Cisjordanie. Palestine, 2025. © MSF

Les attaques contre le réseau d’approvisionnement en eau mettent en danger des communautés entières

Les communautés palestiniennes de Cisjordanie sont confrontées à de graves restrictions en matière de services essentiels, notamment l’accès à l’eau, contrôlé par les autorités israéliennes.  

Depuis mai 2025, une compagnie israélienne de distribution d’eau a considérablement réduit l’approvisionnement en eau provenant de deux principaux points de raccordement des canalisations israéliennes au gouvernorat d’Hébron. Cela a réduit l’approvisionnement public en eau à Hébron de plus de 50 %, affectant près de 800 000 personnes.   

MSF est également intervenue à la suite de signalements rapportant que des colons coupaient des conduites d’eau. Parmi les incidents confirmés en août 2025, on peut citer celui d’un village des collines du sud d’Hébron, où 50 % de la communauté a été touchée par une pénurie d’eau. Les besoins dans ces zones sont désormais si importants et généralisés que les activités d’urgence de MSF en matière d’eau et d’assainissement ne suffisent plus. Les équipes de MSF ont livré 30 citernes d’eau aux familles des collines du sud d’Hébron pour les aider à entreposer le peu d’eau acheminée par camion dont elles ont besoin.

« Il ne s’agit pas seulement de démolir nos maisons. Ils s’emparent aussi de nos terres, tentent de nous voler nos revenus et nous empêchent de vivre ici. Tout le monde ici vit de l’agriculture et de l’élevage. Mais les colons nous empêchent de faire paître nos moutons, si bien que nous ne pouvons plus gagner notre vie si nous restons ici. »

– Un membre de la communauté de Masafer Yatta

La perte de terres, de permis de travail et de liberté de circulation détruit les moyens de subsistance des gens de Palestine

Les moyens de subsistance des Palestiniennes et des Palestiniens en Cisjordanie sont également de plus en plus menacés. L’annulation des permis de travail, les restrictions de mouvement qui bloquent l’accès à l’emploi et les attaques contre les terres agricoles et les bergers compromettent encore davantage leur capacité à subvenir à leurs besoins.  

« Il ne s’agit pas seulement de démolir nos maisons. Ils s’emparent aussi de nos terres, tentent de nous voler nos revenus et nous empêchent de vivre ici », explique un membre de la communauté de Masafer Yatta. « Tout le monde ici vit de l’agriculture et de l’élevage. Mais les colons nous empêchent de faire paître nos moutons, si bien que nous ne pouvons plus gagner notre vie si nous restons ici. »  

Les politiques israéliennes d’annexion en Cisjordanie occupée constituent de graves violations du droit international humanitaire et des droits de la personne. La fin de l’occupation reste le seul moyen d’alléger les difficultés profondes auxquelles sont confrontés les Palestiniennes et les Palestiniens.   

* Les noms ont été modifiés pour protéger la vie privée.