La rue principale du camp de Jénine, en Cisjordanie, a été dévastée par les incursions militaires répétées des forces israéliennes. Palestine, 2025. © Oday Alshobaki/MSF
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Palestine : l’annexion progresse en Cisjordanie après cinq mois de déplacement forcés

Une nouvelle note de plaidoyer de MSF met en lumière le coût humain des déplacements prolongés et de l’accès limité aux services essentiels et aux soins de santé.

Cinq mois après le début de l’opération militaire israélienne Iron wall (« Mur de fer »), plus de 40 000 personnes restent déplacées de force dans le nord de la Cisjordanie. Ces gens sont coupés de leurs foyers et ont un accès limité aux services de base et aux soins de santé.  

Lors de cette vaste campagne militaire, les forces israéliennes ont mené des raids et vidé de force des camps pour personnes réfugiées établis de longue date dans le nord de la Cisjordanie. Depuis, elles poursuivent l’occupation et la destruction des trois camps de Jénine, Tulkarem et Nur Shams, bloquent l’accès à ces zones et empêchent tout retour. Médecins Sans Frontières (MSF) alerte sur la détérioration des conditions sanitaires et de vie de ces communautés. 

« Après cinq mois, l’opération militaire se poursuit. Les camps restent bloqués et les membres des forces israéliennes empêchent activement quiconque d’y entrer. Les familles sont toujours dans l’incertitude et nous craignons que les besoins humanitaires ne s’aggravent davantage », déclare Simona Onidi, coordonnatrice de projet de MSF à Jénine et Tulkarem.

« Nous vivons dans un état de peur constant. Les forces israéliennes patrouillent fréquemment dans la zone où je me trouve. Ma famille et moi gardons nos bagages prêts à tout moment. Nous sommes prêts à fuir si nous sommes à nouveau déplacés. » 

– Une femme déplacée du camp pour personnes réfugiées de Nur Shams

La nouvelle note de plaidoyer publiée par MSF, Five Months Under Iron Wall, met en lumière le coût humain des déplacements prolongés en Cisjordanie depuis le début de l’opération « Mur de fer ». Cette note s’appuie sur l’expérience de MSF dans la région et sur des données opérationnelles. Elle se fonde également sur près de 300 témoignages de personnes déplacées de force réfugiées dans les trois camps. Ces entretiens ont été réalisés à la mi-mai dans 17 sites du nord de la Cisjordanie où MSF intervient.

Une équipe de MSF effectue une tournée d’évaluation dans le camp de Jénine avec les membres du comité du camp et le personnel paramédical volontaire. Ensemble, ils évaluent les dégâts et les besoins à la suite de l’incursion militaire israélienne brutale qui a eu lieu entre le 21 et le 23 mai. Palestine, 2024. © Oday Alshobaki/MSF

La plupart des gens ont été déplacés plusieurs fois

Les informations recueillies démontrent que les communautés touchées par les déplacements sont confrontées à une instabilité croissante. Les gens n’arrivent pas à répondre à leurs besoins essentiels et n’ont pas accès aux soins de santé, à une alimentation régulière et à l’eau. Parmi les personnes interrogées, près de la moitié ont été déplacées de force au moins trois fois en quatre mois. Près de trois quarts d’entre elles ne savent pas si elles pourront rester là où elles se trouvent et plus d’un tiers ne s’y sentent pas en sécurité.  

Les besoins de soutien en santé mentale sont également en hausse, en particulier chez les femmes et les enfants, car les déplacements répétés, l’incertitude et les déplacements violents aggravent la détresse. 

« Nous vivons dans un état de peur constant. Les forces israéliennes patrouillent fréquemment dans la zone où je me trouve. Ma famille et moi gardons nos bagages prêts à tout moment. Nous sommes prêts à fuir si nous sommes à nouveau déplacés », explique une femme déplacée du camp pour personnes réfugiées de Nur Shams. 

Dans le village de Hajja, à Qalqiya, MSF offre une formation de premiers soins à du personnel médical qui aide les personnes blessées ne pouvant pas se rendre à l’hôpital en raison des barrages routiers ou des retards aux points de contrôle. Palestine, 2025. © Oday Alshobaki/MSF

Plusieurs personnes ne peuvent pas rentrer chez elles, et celles qui le font risquent de trouver leur maison pillée ou incendiée

MSF constate également un recours inquiétant à la violence et à l’obstruction contre les personnes déplacées qui tentent de retourner à leur domicile dans les camps. Plus de 100 incidents de violence indiscriminée ont été signalés, dont des fusillades, des agressions et des détentions. Ces incidents touchent des personnes de tous âges, peu importe leur sexe. Certaines familles ont trouvé leurs maisons incendiées, pillées ou occupées. D’autres ont été explicitement menacées et ont reçu l’ordre de ne jamais revenir. Les retours sont soumis à des restrictions sévères, dont des délais limités. Et dans certains cas, l’accès est simplement refusé. 

« Quand je suis rentré chez moi dans le camp, ma maison avait été incendiée et mon voisin avait été tué », raconte un homme déplacé dans le camp pour personnes réfugiées de Tulkarem.

« J’ai été blessé deux fois, une fois par une bombe et une fois par balle », raconte Ahmad Nidal, un membre du personnel paramédical bénévole du camp de Jénine. « Malgré les risques, nous devons continuer. Si j’arrête, l’armée israélienne pourrait empêcher les équipes médicales d’atteindre le camp. Ma famille et ma communauté comptent sur moi. » Palestine, 2024. © Oday Alshobaki/MSF

Les gens peinent à recevoir des soins médicaux

Une personne sur trois n’a pas eu accès aux soins quand elle en avait besoin, principalement en raison du coût, de la distance à parcourir et de la pénurie des transports. Près de la moitié des personnes interrogées déclarent avoir un accès irrégulier à la nourriture et à l’eau, et 35 % des personnes souffrant de maladies chroniques ne parviennent pas à se procurer régulièrement leurs médicaments.

« Ce que nous voyons dans le nord de la Cisjordanie n’est pas seulement une urgence humanitaire. C’est une crise provoquée, délibérément prolongée, et qui s’aggrave de jour en jour. »

– Simona Onidi, coordonnatrice de projet de MSF à Jénine et Tulkarem

En réponse à la crise en cours, des équipes médicales mobiles de MSF apportent des soins dans plus de 40 sites publics ainsi que dans des refuges pour personnes déplacées à Jénine et Tulkarem. Elles sont également présentes dans les centres de soins de santé gérés par le ministère de la Santé. Nos équipes offrent des soins de santé primaires, un soutien en santé mentale et organisent des activités de promotion de la santé.

Cette escalade de violence contre les communautés palestiniennes en Cisjordanie n’est que la dernière en date

L’opération militaire « Mur de fer » n’est ni le début ni la fin des violences auxquelles sont confrontées les communautés palestiniennes en Cisjordanie. Cette récente escalade vient s’ajouter à une situation déjà désastreuse qui n’a cessé de se détériorer, en particulier depuis octobre 2023. Comme en fait état le rapport Inflicting Harm and Denying Care publié par MSF en février 2025, la Cisjordanie est depuis longtemps le théâtre de violences répétées contre les personnes civiles et les organisations médicales. La crise humanitaire actuelle dans les gouvernorats du nord s’inscrit dans le contexte plus large de violentes mesures coercitives et de l’annexion.  

« Ce que nous voyons dans le nord de la Cisjordanie n’est pas seulement une urgence humanitaire. C’est une crise provoquée, délibérément prolongée, et qui s’aggrave de jour en jour », explique Simona Onidi. « L’assistance humanitaire est insuffisante et irrégulière. Les organisations doivent intensifier leur réponse afin d’offrir aux gens des abris, des soins médicaux, un soutien en santé mentale et une protection. Nous appelons également à la fin des opérations militaires israéliennes et du recours meurtrier à la force, et demandons que les communautés déplacées puissent rentrer chez elles en toute sécurité et dans la dignité. »