Des membres de l’équipe de santé mentale de MSF présentent aux personnes venues consulter les services médicaux et les traitements disponibles à la clinique mobile. Liban, 2024. © Salam Daoud/MSF
PARTAGEZ

Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord : derrière l’armure, le bien-être des hommes

Dans toute la région, les hommes brisent les tabous et retrouvent leur santé mentale avec le soutien de MSF.

C’est un homme fatigué à qui l’on demande toujours de se montrer fort, de tenir bon et de résister. Il a appris que la fatigue, les larmes et la peur ne lui sont pas permises, qu’il ne doit jamais fléchir, quel que soit le poids du fardeau. En apparence, il semble solide. Mais à l’intérieur, il porte des blessures invisibles. Dans un moment de silence, au bord de l’effondrement, il ravale son cri, car la même question le hante sans cesse : « Que diront les gens? » 

La région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (MENA) est confrontée à certaines des crises les plus longues et les plus complexes au monde. De la Palestine au Soudan, en passant par la Syrie, le Yémen et le Liban, les communautés ont subi des guerres, occupations, effondrements économiques et déplacements forcés. Des générations entières vivent sous une pression constante et dans l’incertitude. 
 
En réponse, Médecins Sans Frontières (MSF) apporte des soins et un soutien en santé mentale aux personnes affectées, notamment les hommes, dont les troubles sont souvent invisibles, passés sous silence ou objet de stigmatisation. Dans plusieurs régions du monde, nos équipes offrent un accompagnement psychologique individuel et collectif, lutte contre la stigmatisation et encourage les gens à demander de l’aide sans crainte ni honte.

Mohammed Al-Shyoukhi, médecin chez MSF, offre un soutien en santé mentale à un palestinien qui reçoit des soins médicaux à la clinique mobile de MSF à Jinba, dans le Masafer Yatta. Palestine, 2025. © MSF

Munir Mohamed Abdel Fattah Al-Kilani, un patient originaire de Gaza aujourd’hui installé à Amman, confie : « Après la guerre que nous avons vécue, chaque Palestinienne et Palestinien a besoin d’un soutien psychologique, de quelqu’un qui l’écoute et de sensibilisation. »  

Les besoins et réalités des hommes dans les contextes de conflit et de crise sont souvent négligés. « La société attend d’un homme qu’il soit fort et courageux, qu’il ne pleure pas, ne s’exprime pas et ne demande pas d’aide », explique Rayan Badawi Najjar, superviseur des activités de santé mentale chez MSF à Tripoli, au Liban. « De nombreux hommes dans notre région sont confrontés à des facteurs de stress intenses : violence directe, déplacement, chômage, détention, torture et perte de leur rôle de protecteurs et de pourvoyeurs. »

« Nous avons constaté que l’une des principales raisons pour lesquelles les hommes évitent les services de santé mentale est la stigmatisation entourant les troubles psychiques, ainsi qu’un manque de sensibilisation à la santé mentale. Aux yeux de la société, demander de l’aide est perçu comme un signe de faiblesse ou un défaut. »

– Saddam Mohammed, superviseur des activités de santé mentale chez MSF au Soudan

Samer*, un jeune homme qui vit dans le nord du Liban, a vécu personnellement plusieurs de ces épreuves. « Mon enfance a été tragique. J’ai eu un accident et perdu ma main. À l’école, je me sentais discriminé et j’ai fini par abandonner mes études, mais je n’ai pas renoncé. J’ai travaillé et fondé une famille », confie-t-il. « Avec la crise économique, j’ai tout perdu, et l’anxiété a commencé à me ronger. Quand ma fille est tombée malade, la peur m’a submergé et je me suis effondré. » 

Des expériences difficiles comme celles vécues par Samer peuvent entraîner des troubles de santé mentale tels que la dépression ou le syndrome de stress post-traumatique. Elles peuvent également se manifester par des troubles comportementaux comme et la toxicomanie et l’agressivité.  

Dans le cadre de nos activités à Tripoli, Rayan Badawi Najjar a observé une tendance préoccupante : les cas de psychose étaient beaucoup plus fréquents chez les hommes (9,5 %) que chez les femmes (1,5 %). Plus alarmant encore, 18 % des hommes ont déclaré avoir eu des pensées suicidaires ou souhaité mourir, contre 13 % des femmes. 

Pourtant, même ces chiffres n’ont pas suffi à briser les barrières qui empêchent les hommes de demander de l’aide.  

« Nous avons constaté que l’une des principales raisons pour lesquelles les hommes évitent les services de santé mentale est la stigmatisation entourant les troubles psychiques, ainsi qu’un manque de sensibilisation à la santé mentale », explique Saddam Mohammed, superviseur des activités de santé mentale chez MSF au Darfour Central, au Soudan. « Aux yeux de la société, demander de l’aide est perçu comme un signe de faiblesse ou un défaut. » 

Une membre du personnel de MSF offre une séance d’éducation à la santé mentale à des personnes déplacées dans la ville de Kreinik. Soudan, 2022. © MSF

De l’espoir dans la guérison : parcours thérapeutiques individuels

Samer, cependant, a décidé qu’il avait besoin de soutien. « Dès la deuxième séance, j’ai commencé à ressentir un changement et j’attendais les suivantes avec impatience », raconte-t-il.  

D’autres hommes brisent également les tabous. Emad Murad, originaire de Miryata, dans le nord du Liban, a choisi d’affronter les préjugés qui l’avaient freiné pendant des années. Il s’est tourné vers l’une de nos cliniques pour obtenir du soutien. « Il n’y a aucune honte à consulter en santé mentale, explique-t-il, et cela ne porte pas atteinte à ma dignité. C’est un traitement aussi important que des soins pour le cœur ou le diabète. »    

Mohammed Abakar Ahmed, un homme originaire du Soudan, a aussi surmonté les préjugés. « Il n’y a aucune honte à demander de l’aide ni à suivre une thérapie », dit-il. « Après avoir commencé le traitement, j’ai ressenti un grand changement. Avant, je me négligeais et je détestais mon travail. Maintenant, je me sens plein d’énergie et j’aime mon travail. » 

L’impact des soins de santé mentale dépasse souvent l’individu et touche aussi les familles et les communautés.  

Emad a encouragé ses proches à consulter. « Comme mon expérience a été positive, dit-il, j’ai amené mes enfants et mon frère rencontrer l’équipe de santé mentale de MSF. »  

Samer, pour sa part, appelle « tous les hommes à demander du soutien psychologique, car ce n’est pas de recevoir des soins qui sont honteux, mais d’attendre de s’effondrer pour y recourir. » 

* Le nom a été modifié pour protéger la vie privée.