Palestine : à Gaza, les ordres de déplacement israéliens sont des armes de guerre psychologique
Les forces israéliennes utilisent les ordres de déplacement de dernière minute pour mener à bien leur campagne de nettoyage ethnique à Gaza
Les ordres de déplacement de dernière minute utilisés par Israël transforment la bande de Gaza en un véritable « enfer sur terre » pour les Palestiniens et les Palestiniennes. Combinés aux bombardements incessants et à un blocus quasi total de l’assistance humanitaire, ces ordres forcent le déplacement de centaines de milliers de personnes et les piègent dans des espaces toujours plus restreints. L’état d’alerte constant dû à l’imprévisibilité de ces ordres de déplacement a des conséquences dévastatrices sur la santé mentale des gens, déclare Médecins Sans Frontières (MSF). Ces déplacements forcés doivent cesser.
« Les forces israéliennes détruisent tous les moyens de subsistance des personnes à Gaza à travers une guerre psychologique et physique. Les déplacements forcés font partie de la campagne de nettoyage ethnique menée par les forces et autorités israéliennes contre la communauté palestinienne. Les gens n’ont nulle part où aller », dénonce Claire Manera, coordonnatrice des urgences de MSF.
« Je ne sais pas quoi répondre quand mes collègues me demandent où aller avec leurs enfants au milieu de la nuit. Nous n’avons presque plus d’options pour survivre. »
– Omar Alsaqqa, responsable logistique de MSF
Fuir sans nulle part où aller
Depuis le début de la guerre, les Palestiniennes et les Palestiniens ont dû évacuer à plusieurs reprises pour sauver leur vie. C’est aussi le cas de plusieurs membres du personnel de MSF. Avec 31 ordres de déplacement émis depuis qu’Israël a rompu le cessez-le-feu, les gens sont piégés dans d’interminables souffrances. À Khan Younès, l’ordre de déplacement à grande échelle du 19 mai couvrait 22 % de la bande de Gaza et a forcé plus de 70 membres du personnel de MSF à partir. Un autre ordre, le 26 mai, couvrait 40 % du centre et du sud de la bande de Gaza.
« Nos collègues sont désespérés », déclare Omar Alsaqqa, responsable logistique de MSF. « Il n’y a plus de tentes, plus d’espace où s’installer, je ne sais pas quoi répondre quand mes collègues me demandent où aller avec leurs enfants au milieu de la nuit. Nous n’avons presque plus d’options pour survivre. »

Situation impossible causée par les ordres imprévisibles et de dernière minute
Ces ordres de déplacement et les zones militaires interdites couvrent désormais environ 80 % de la bande de Gaza, et aucune zone n’a été épargnée par les attaques. Le 26 mai, les équipes de MSF ont soigné 17 personnes après une attaque très proche de leur centre de santé de Khan Younès, dans le centre de Gaza. Or, c’est précisément la zone vers laquelle les gens sont censés se déplacer. Les gens évacuent des secteurs pour être à nouveau bombardés dans leur nouveau « refuge ». Depuis le 18 mars, environ 600 000 personnes ont été de nouveau déplacées.
« J’ai réveillé mes enfants et je leur ai dit que nous allions sortir juste un petit moment. Ils ont commencé à pleurer. Ils ont attrapé leurs sacs. J’étais terrifiée, mais j’ai essayé de paraître calme, même si mon cœur battait de peur », raconte Asmaa Abu Asaker, agente de liaison de MSF, après qu’un ordre de déplacement ait été donné dans son quartier.
« Cette fois, je ne veux pas faire mes bagages. Pas de sacs, pas de papiers, rien. Je ne sais pas pourquoi, je n’ai peut-être pas un bon état d’esprit, mais je n’arrive tout simplement pas à intégrer mentalement l’idée de quitter à nouveau la maison. »
– Sabreen Al-Massani, psychothérapeute de MSF
Ces ordres imprévisibles accompagnés de délais ridiculement courts placent les gens dans une situation impossible. Les attaques sont annoncées à la dernière minute par des tracts, des messages sur les réseaux sociaux ou un appel téléphonique. Cela laisse très peu de temps aux gens pour rassembler leurs affaires et chercher un abri. Forcer les gens à fuir de façon répétée, souvent pendant la nuit, sans nulle part où aller et au péril de leur vie, a un impact physique et psychologique immense.
« Cette fois, je ne veux pas faire mes bagages. Pas de sacs, pas de papiers, rien. Je ne sais pas pourquoi, je n’ai peut-être pas un bon état d’esprit, mais je n’arrive tout simplement pas à intégrer mentalement l’idée de quitter à nouveau la maison », confie Sabreen Al-Massani, psychothérapeute de MSF, déplacée à plusieurs reprises. « Une toute nouvelle épreuve a commencé. Il n’y a plus de farine, plus de vivres. J’avais ma propre vie, entre ma maison et mon travail, une vie normale. Et soudain, j’ai dû vivre avec des personnes inconnues dans un environnement hostile, sans accès aux produits de première nécessité, courir pour trouver de l’eau et recharger mon téléphone. Puis il y a eu un nouvel ordre d’évacuation : toute notre zone a été touchée. »

Alors que les gens sont forcés de s’entasser dans des zones de plus en plus restreintes, les forces israéliennes mènent également des attaques sans donner d’ordre de déplacement. Le 9 avril, plus de 20 personnes ont été tuées dans une frappe qui visait un bloc résidentiel de sept immeubles dans la ville de Gaza. Parmi les victimes figuraient les familles de deux membres du personnel de MSF qui étaient au travail au moment de l’attaque. Ils ont appris ensuite que leurs proches étaient ensevelis sous les décombres.
Sabreen Al-Massani décrit comment les ordres de déplacement affectent la santé mentale des personnes et leur niveau d’anxiété : « Nous vivons dans un état d’alerte constant. À tout moment, nous pouvons recevoir une notification qui nous demande de partir. Il est impossible de dormir la nuit en sachant que nous pourrions être les prochains. ».
MSF appelle les forces israéliennes à mettre immédiatement fin au déplacement forcé des personnes ainsi qu’à la campagne de nettoyage ethnique en cours contre les Palestiniennes et les Palestiniens à Gaza. Nous appelons également les alliés d’Israël à cesser leur soutien et leur complicité.