À l'hôpital Nasser soutenu par MSF, Hanan, une mère de Rafah, est assise avec ses trois enfants malades. Palestine, 2025. © Nour Alsaqqa/MSF
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Palestine : les personnes soignées à l’hôpital Nasser attendent une évacuation médicale d’urgence

Cinq personnes soignées à l'hôpital Nasser soutenu par MSF racontent leur longue attente pour bénéficier d'une évacuation médicale essentielle.

Cinq personnes soignées à l’hôpital Nasser soutenu par Médecins Sans Frontières (MSF) à Gaza racontent leur longue attente pour bénéficier d’une évacuation médicale. Deux mères parlent de l’état critique de leurs enfants, et trois adultes décrivent leur besoin de recevoir des soins essentiels à l’étranger. Leurs témoignages illustrent la lutte du peuple palestinien privé d’accès aux soins essentiels en raison de la destruction du système de santé de Gaza par les forces israéliennes.

À l’heure actuelle, plus de 18 500 personnes attendent une évacuation médicale de Gaza. Parmi celles-ci, 20 % sont des enfants.

Pourtant, seule une minorité a pu être évacuée à l’étranger pour recevoir des soins. Des personnes en état critique voient leur demande retardée ou refusée, souvent avec des conséquences fatales. Selon le ministère de la Santé, un millier de personnes sont décédées depuis juillet 2024 en attendant leur transfert. Le nombre réel est probablement plus élevé.

Ces récits mettent en évidence la nécessité d’instaurer de toute urgence un processus permanent d’évacuations médicales. Un accès humanitaire sans entrave doit aussi être assuré pour fournir les soins requis à celles et ceux qui en ont besoin et leur permettre de rentrer ensuite chez eux en toute sécurité.

L’histoire de Sami

Sami est assis dans son lit à l’hôpital Nasser, soutenu par MSF. Il a été grièvement blessé lors d’une frappe aérienne israélienne qui a détruit son habitation dans le quartier de Zaytoun à Gaza. Palestine, 2025. © Nour Alsaqqa/MSF

J’étais dans notre logement familial, dans un bâtiment de six étages. Ils [les forces israéliennes] nous ont demandé d’évacuer. J’étais à 30 mètres de mon fils. Une frappe a abattu mon fils qui a été tué sur le coup. Et puis, un missile s’est dirigé sur moi. C’était dans le quartier de Zaytoun. En l’espace de huit minutes, tout le bâtiment a été détruit. Je suis resté à l’hôpital Mamadani pendant près de deux mois et demi. Ensuite, ils m’ont demandé d’évacuer. Dans la zone baptiste de Gaza, la situation a commencé à se dégrader pour nous. Je me suis donc réfugié dans une tente à Tal El Hawa. J’ai installé ma tente près d’une maison.

Les forces israéliennes ont alors menacé de bombarder cette maison. Les gens m’ont porté, car je ne pouvais pas marcher à cause de mes blessures. Ils m’ont pris et nous avons couru. La maison a été bombardée et entièrement détruite. Il ne restait plus rien, plus rien. Voilà déjà un certain temps que mon évacuation [médicale] a été approuvée. J’ai été inscrit ici, et maintenant nous attendons. Nous espérons que Dieu nous soulagera. J’ai un fils atteint d’un cancer qui attend lui aussi d’être évacué. Cela fait un mois qu’il attend son transfert.

L’histoire de Khader

À l’hôpital Nasser soutenu par MSF, Khader, un jeune garçon atteint du syndrome de malabsorption des glucides, est assis dans son lit avec sa mère. Palestine, 2025. © Nour Alsaqqa/MSF

Mon fils est atteint d’une maladie appelée syndrome de malabsorption des glucides. C’est le nom de la maladie. Avant, il prenait une formule médicale spécialisée pour réguler sa glycémie et ses problèmes de santé. Avec la guerre, il est privé de lait thérapeutique depuis deux ans. À cause du conflit, celui-ci n’est plus disponible. Mon fils souffre désormais de problèmes rénaux. Son rein droit fonctionne de moins en moins bien. En raison d’une rétention d’urine, son rein gauche s’est dilaté, et il souffre désormais de pics de glycémie élevés.

Khader est un enfant normal. Il aime aller dehors et aime beaucoup bouger. Mais je ne l’ai pas envoyé à l’école à cause de son état de santé. Il a constamment la diarrhée. Chaque 10 ou 15 minutes, il doit faire des allers et retours aux toilettes. J’aimerais pouvoir lui dire d’aller jouer dehors avec les autres enfants. Mais dès qu’il s’apprête à sortir, il a à peine atteint la porte qu’il doit faire demi-tour pour aller aux toilettes. C’est donc impossible pour lui de jouer avec les autres enfants.

Plusieurs fois, Khader a failli mourir dans mes bras. Je n’avais pas d’argent pour le faire transporter à l’hôpital. J’ai dû attendre qu’une des ambulances ait fini de transporter des personnes blessées et d’autres cas urgents, pour venir secourir Khader. Cela fait deux ans que nous sommes dans cette situation.

Je porte tout le poids de sa maladie. Il en souffre depuis qu’il a 40 jours. Mais à cause de la guerre, son état s’est aggravé. Nous ne recevons pas de nourriture et n’avons pas accès au lait thérapeutique.

L’histoire de Maram

Maram, une patiente de l’hôpital Nasser soutenu par MSF, est allongée dans son lit. Palestine, 2025. © Nour Alsaqqa/MSF

Le 1er octobre, la tente que nous occupions dans la ville de Zawaida, dans le gouvernorat de Deir al-Balah, a été bombardée. Je suis restée allongée sur le sol près de 15 minutes, car j’avais été blessée aux jambes. Ma mère, mon père, ma grand-mère et ma sœur aînée ont tous été tués. Ensuite, de jeunes hommes qui passaient par là m’ont emmenée en voiture à l’hôpital de campagne (de MSF) de Deir al-Balah. Ils ont bandé mes jambes et m’ont donné des médicaments.

En raison du manque de spécialistes en médecine vasculaire dans cet établissement, j’ai été transférée en ambulance à l’hôpital Nasser. Là, on m’a amputé la jambe droite et on m’a mis une plaque dans la jambe gauche. On m’a ouvert l’abdomen, car j’avais des éclats d’obus dans l’intestin grêle et le gros intestin. En raison d’un problème intestinal, j’ai subi cette opération trois fois. Aujourd’hui, j’ai des points de suture sur le ventre et j’ai subi une greffe de peau pour ma jambe gauche. J’ai aussi des points de suture sur ma jambe droite.

Le cessez-le-feu n’a fait aucune différence. Je viens d’être blessée et je viens de perdre ma famille. Je n’ai vu aucune différence. Rien n’a changé, avec ou sans cessez-le-feu.

L’histoire d’Osama

Osama, blessé, est allongé dans son lit à l’hôpital Nasser soutenu par MSF. Palestine, 2025. © Nour Alsaqqa/MSF

J’étais en visite à Deir al-Balah et c’était la première fois que je me rendais dans le sud. Une frappe aérienne a soudain touché la tente à côté de là où je me trouvais. J’ai été emmené à l’hôpital, et mon opération chirurgicale a duré 13 heures. Ma jambe gauche a été amputée. Ayant des fractures complexes à la jambe droite, un fixateur externe a dû être posé. J’ai aussi subi une incision au niveau du cou et une trachéotomie.

Je dispose de deux références médicales : l’une pour la blessure dont je souffre actuellement… et l’autre pour une blessure que j’ai subie en novembre dernier.

« J’ai été blessé la première fois lorsqu’ils [les forces israéliennes] ont bombardé l’habitation de mon oncle et celles des voisins. Tout a été détruit. Je suis resté coincé sous les décombres pendant 23 heures. Par la grâce de Dieu, j’ai réussi à en sortir après de nombreux efforts. Je suis resté à l’hôpital pendant 45 jours. Et puis, j’ai eu une fracture à la colonne vertébrale.

Osama, blessé, est allongé dans son lit à l’hôpital Nasser soutenu par MSF. Palestine, 2025. © Nour Alsaqqa/MSF

La mort. Je ne pensais qu’à la mort. Il faisait très froid. Je n’arrêtais pas d’imaginer des choses auxquelles personne ne pense habituellement. Je hurlais, hurlais de douleur, parce que ma jambe était coincée [sous les décombres]. Je hurlais de douleur et d’angoisse et à cause de ces pensées… C’était difficile à supporter. C’était un sentiment terrible : je ne savais pas si j’allais être sauvé de la mort ou non.

Lorsqu’on m’a trouvé, j’ai perdu connaissance. Et puis, je me suis retrouvé à l’hôpital. Pourquoi ne pouvons-nous pas bénéficier d’une évacuation médicale? Tout le monde a été blessé ici. J’espère pouvoir être transféré pour recevoir des soins. Tout ce que je souhaite, c’est de pouvoir me tenir à nouveau sur mes deux jambes. Je voudrais recevoir une prothèse et qu’on m’opère de mon autre pied pour que je puisse à nouveau me tenir debout.

L’histoire de Qasem

Hanan et son fils Qasem se trouvent à l’hôpital Nasser soutenu par MSF. Privé de traitement et de médicaments à cause du génocide, Qasem souffre actuellement d’une malnutrition aiguë. Palestine, 2025. © Nour Alsaqqa/MSF

J’ai trois enfants qui ont besoin d’une évacuation pour recevoir des soins médicaux à l’étranger. J’ai reçu l’approbation pour leur transfert médical. L’une de mes filles est déjà décédée de la maladie dont souffrent les trois autres. Cela s’est aggravé à cause du manque de traitements. Même si la situation était meilleure avant la guerre, nous avons toujours manqué de médicaments à Gaza.

Nous sommes originaires de Rafah et avons été déplacés à Al-Mawasi, près de Khan Younès. Si l’un de mes enfants fait une crise d’asthme, je ne sais pas quoi faire, car c’est difficile de se rendre à l’hôpital, surtout la nuit. Un jour, à une heure du matin, j’ai dû les porter en urgence jusqu’à l’hôpital. J’ai couru pendant une longue distance.

Qasem souffre de malnutrition aiguë. Avant la période de famine, sa santé était meilleure. Il a ensuite commencé à perdre du poids jusqu’à souffrir de malnutrition aiguë. Il a commencé à gonfler : ses mains, ses jambes et son visage. Il ne pouvait plus respirer et il est devenu tout bleu. Sachant ce qui est arrivé à sa sœur, j’ai été bouleversée de voir Qasem atteindre ce stade. Nous ne sommes pas arrivés à la sauver à temps. À cause du manque de protéines, elle a contracté une insuffisance hépatique et est décédée.

Avant, même si l’accès au traitement était limité, la situation était encore gérable. Mais aujourd’hui, il n’y a plus rien. Je crains que ce qui est arrivé à sa sœur n’arrive aussi à Qasem et à mes autres enfants. C’est pourquoi j’espère les faire évacuer avant de les perdre. »

« Il y a deux mois, les chars ont envahi la zone et personne ne savait qu’ils arrivaient. Et puis, soudain, tout le monde s’est mis à courir. Nous avons pris la fuite. Je n’ai même pas eu le temps de prendre le nébuliseur pour mes enfants malades. Je n’ai pas réussi à le trouver. Après que les forces israéliennes se soient retirées, nous sommes retournés voir dans notre tente, mais il n’y avait plus rien. Le nébuliseur avait été cassé. Tous les médicaments que prend Qaseem, ses vitamines et ses protéines, tout avait été détruit. Rien, nous n’avons rien retrouvé.